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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Jenny s’acquitta de sa commission, et elle ne tarda pas à rentrer avec un visage sur lequel on lisait la surprise et la consternation.

— Eh bien, Jenny pourquoi cet air effaré ? Serait-ce véritablement ce pauvre Cuddy ?

— Cuddy ! répondit la femme de chambre qui n’ignorait pas combien elle allait causer de chagrin à sa maîtresse ; non, ce n’est pas Cuddy ; c’est le jeune Milnwood lui-même.

— Le jeune Milnwood ! s’écria miss Bellenden en pâlissant à son tour, cela est impossible ! Son oncle suit le culte toléré par la loi, et le jeune Milnwood n’a jamais pris part à ces malheureuses dissensions. Il est innocent, certainement, à moins qu’il n’ait osé protester contre quelque injustice.

— Ce n’est pas dans un temps comme celui-ci, miss Édith, qu’on s’inquiète de ce qui est juste ou injuste. Fût-il plus innocent que l’enfant nouveau-né, on saurait le faire paraître coupable. Mais Tom Holliday m’a dit qu’il y va même de sa vie, car il a recélé un des hommes du comté de Fife qui ont tué le vieil archevêque.

— Il y va de sa vie ! il faut que je le voie, que je lui parle…

— Ah ! ma chère miss, pensez à votre grand’mère, au danger, à la difficulté. Il est gardé à vue jusqu’à l’arrivée de Claverhouse ; et, s’il ne peut donner satisfaction au colonel, Tom Holliday assure que son affaire sera bientôt faite.

— S’il faut qu’il meure, je mourrai avec lui. Ne me parlez ni de dangers ni de difficultés. Faites-moi voir Holliday ; je me jetterai à ses pieds, je lui dirai que pour le salut de son âme…

— Ah ! merci de nous ! notre jeune lady aux genoux d’Holliday, et lui parlant de son âme, tandis qu’il sait à peine, le pauvre garçon s’il en a une ! Mauvais projet, ma chère maîtresse, et qui ne peut réussir. Si vous voulez absolument voir le jeune Milnwood, laissez-moi conduire cette affaire. Je sais comment je dois m’y prendre avec Holliday : c’est lui qui est de garde à la tour dans laquelle le jeune Milnwood est enfermé.

— Allez vite me chercher un plaid, Jenny ; ne perdez pas un instant. Je trouverai quelque moyen de le sauver.

Jenny s’élança, et bientôt elle revint avec un plaid dans lequel Édith s’enveloppa de manière à se cacher le visage et à déguiser en partie le reste de sa personne.

Ainsi déguisée, miss Bellenden s’avança d’un pas tremblant vers le lieu où Bothwell avait fait enfermer Morton. C’était une espèce de cabinet d’étude et la porte donnait sur une galerie dans laquelle Holliday se promenait en long et en large ; car le brigadier, fidèle à sa promesse, et touché peut-être de la jeunesse et de la noble conduite de son prisonnier, n’avait pas voulu placer de sentinelle en