Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

tous ces amis qui me prenaient volontiers pour compagnon de leurs plaisirs, n’ont jamais songé à m’être utiles.

— Mais vos amis écossais, monsieur Stuart, votre famille, qui est si nombreuse et si puissante en ce pays ?

— Eh bien, Milady, les uns m’auraient volontiers pris pour leur garde-chasse, parce que je tire passablement ; les autres m’auraient chargé de vider leurs querelles, parce que je manie assez bien l’épée ; il en est qui, faute de meilleure compagnie, m’auraient volontiers admis à leur table, parce que je puis boire mes trois bouteilles de vin ; mais, parents pour parents et service pour service, j’ai préféré entrer à celui de mon cousin Charles II, quoique la paie soit modique et la livrée peu brillante.

— Et pourquoi ne vous adressez-vous pas à Sa Majesté ? Le roi ne peut qu’être surpris d’apprendre qu’un rejeton de son auguste famille…

— Excusez la franchise d’un soldat, Milady ; mais je suis forcé de dire que le roi est beaucoup plus occupé de ses propres rejetons que de ceux de l’aïeul de son grand-père.

— Eh bien, monsieur Stuart, il faut que vous me promettiez de coucher cette nuit à Tillietudlem. J’attends demain votre colonel, à qui le roi a tant d’obligations pour les mesures sévères qu’il prend contre les gens qui n’aspirent qu’à renverser le gouvernement. Je lui demanderai votre avancement, et je suis sûre qu’il a trop de respect pour le sang qui coule dans vos veines, et trop d’égards pour une dame qui a reçu de Sa Majesté de telles marques de distinction pour me refuser ma demande.

— Je vous remercie, Milady : je resterai certainement, puisque vous me le permettez ; d’ailleurs, ce sera le moyen de présenter plus tôt au colonel Grahame le prisonnier que j’ai avec moi.

— Et quel est ce prisonnier, monsieur Stuart ?

— Un jeune homme de bonne famille, qui en donnant retraite à un des meurtriers de l’archevêque a facilité son évasion.

— Quelle infamie ! Monsieur Stuart, je puis pardonner les injures que j’ai reçues de ces coquins ; mais qu’un homme bien né puisse se faire le protecteur d’un assassin, et surtout de l’assassin d’un vieillard, d’un archevêque ! quelle atrocité ! Si vous voulez le tenir enfermé sans embarrasser vos gens, Harrison ou Gudyil iront chercher la clef de notre cachot. Il n’a pas été ouvert depuis la bataille de Kilsythe, depuis que mon pauvre sir Arthur Bellenden y fit enfermer vingt-deux whigs. Le lieu n’est pas malsain, car il ne descend qu’à deux étages sous terre.

— Mille pardons, Milady ; je ne doute pas que votre cachot ne