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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

verse rasade à cette fille, quoique ce ne soit qu’une sale guenipe. — Allons, une seconde santé, celle de notre brave commandant, le colonel Grahame de Claverhouse. — Mais que diable cette vieille femme a-t-elle à gémir ? vit-on jamais une figure plus whig ? — Renoncez-vous au covenant, bonne femme ?

— De quel covenant voulez-vous parler ? demanda Cuddy, prévenant la réponse de sa mère.

— Tous les covenants du monde.

— Ma mère, cria Cuddy affectant de parler à une sourde, on vous demande si vous renoncez au covenant des œuvres ?

— De tout mon cœur, répondit Mause.

— Allons, dit Bothwell, la vieille a répondu plus franchement que je n’aurais cru. Buvons encore un coup, et procédons à notre affaire. — Vous avez sans doute tous entendu parler, je suppose, du meurtre de l’archevêque de Saint-André, tué par dix ou onze fanatiques armés !

Chacun se regardait en silence ; enfin Milnwood répondit qu’il avait entendu dire quelque chose de ce malheur.

— En voici la relation officielle, dit Bothwell en lui donnant un papier ; maintenant je vous demande ce que vous pensez de cette action.

— Ce que j’en pense. Monsieur ? mais… j’en pense… ce que le conseil privé a cru devoir en penser, répondit Milnwood en bégayant.

— Je demande votre opinion personnelle, insista Bothwell.

Milnwood parcourut des yeux le papier, pour y emprunter les expressions les plus fortes de dénonciation : heureusement elles s’y trouvaient en italique, ce qui lui fut d’un grand secours : — Je pense, dit-il avec feu, que c’est un meurtre détestable, une abomination, un parricide tramé par l’enfer, une honte pour le royaume.

— Bien dit, à votre santé, et à la propagation des bons principes ; vous me devez le coup de remerciement pour vous les avoir appris. Nous le boirons ensemble avec votre vin des Canaries. À votre tour, jeune homme, que pensez-vous de cet événement ?

— Je ne trouverais aucune difficulté à vous répondre, lui dit Henry, si je savais de quel droit vous m’interrogez.

— Que le Seigneur nous protège ! parler ainsi à un militaire quand chacun sait qu’ils sont les maîtres par tout le pays, s’écria mistress Wilson tandis que son maître, non moins effrayé de cette audace, disait avec colère à Morton : — Taisez-vous, Monsieur, ou répondez sagement ! Oseriez-vous manquer de respect pour l’autorité du roi, en la personne d’un brigadier de ses gardes ?