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LE NAIN NOIR

laine, mon brave homme, c’est la laine, et non la bête elle-même, qui fait appeler la brebis courte ou longue, dit celui-ci. Je crois que si vous mesuriez leur dos, la courte brebis serait la plus longue des deux ; mais c’est la laine qui paie la rente, et nous en avons besoin.

— Sans doute, des courtes brebis payaient de courtes rentes. Mon père ne donnait pour notre ferme que soixante pounds, et elle m’en coûte à moi trois cents. Mais ce qui n’est pas moins vrai, c’est que je n’ai pas le temps de rester ici à conter des histoires.

— Mon hôte, servez-nous à déjeuner, et voyez si nos rosses ont à manger. Il me faut aller voir Christy Wilson, afin de nous entendre sur le luck-penny que je lui dois depuis notre dernier compte ; j’espère que nous n’en viendrons pas à un procès.

— Écoutez-moi, voisin, ajouta-t-il en s’adressant à mon digne et savant patron, si vous voulez savoir quelque chose de plus sur les brebis longues et les brebis courtes, je reviendrai manger ma soupe aux choux vers une heure de l’après-midi, ou si vous voulez entendre de vieilles histoires sur le Nain noir, et d’autres semblables, vous n’aurez qu’à inviter Bauldie, que voici, à boire une demi-pinte.

Le fermier revint à l’heure dite, et avec lui Christy Wilson, leur différend ayant été terminé sans qu’ils eussent recours aux messieurs en robes longues. Mon digne et savant patron ne manqua pas de se trouver à leur arrivée, autant pour entendre les contes promis que pour les rafraîchissements dont il avait été question. Notre hôte se joignit à nous, et nous restâmes autour de la table jusqu’au soir, assaisonnant la liqueur avec maintes chansons et maints contes. Le dernier incident que je me rappelle fut la chute de mon savant et digne patron, qui tomba de sa chaise en concluant une longue morale sur la tempérance.

Dans le cours de la soirée, le Nain noir n’avait pas été oublié : le vieux berger Bauldie nous fit sur ce personnage un grand nombre d’histoires qui nous intéressèrent vivement. Il parut aussi, avant que nous eussions vidé le troisième bol de punch, qu’il y avait beaucoup d’affectation dans le prétendu scepticisme de notre fermier, lequel croyait sans doute qu’il ne convenait pas à un homme qui paie une rente annuelle de trois cents livres, de croire aux traditions de ses ancêtres ; mais au fond du cœur il y avait foi. Selon mon usage, je poussai plus avant mes recherches en m’adressant à d’autres personnes qui connaissaient le lieu où s’est passée l’histoire suivante, et je parvins heureusement à me faire expliquer certaines circonstances qui mettent dans leur vrai jour les récits exagérés des traditions vulgaires.