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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

la malheureuse reine Marie, mais de Francis Stuart, comte de Bothwell, dont l’esprit turbulent et les fréquentes conspirations troublèrent le règne de Jacques VI, roi d’Écosse, et qui mourut en exil dans la dernière misère. Le fils de ce comte avait réclamé de Charles Ier la restitution d’une partie des domaines confisqués sur son père ; mais les nobles qui en avaient profité n’étaient pas d’humeur à les rendre. Les guerres civiles achevèrent de le ruiner en lui enlevant une faible pension que Charles lui avait accordée ; et son fils, après avoir servi comme soldat en pays étranger et en Angleterre, après avoir subi toutes les vicissitudes de la fortune, fut obligé de se contenter d’une place d’officier sans brevet dans le régiment des gardes, quoiqu’il appartînt réellement à la famille royale, son aïeul paternel étant un fils naturel de Jacques VI.[1] Une force de corps peu ordinaire, beaucoup de dextérité dans le maniement des armes, et la circonstance remarquable de sa naissance, avaient attiré sur lui l’attention de ses officiers ; mais son caractère avait beaucoup d’affinité avec la licence et la grossièreté des soldats, trop souvent commandés pour faire payer les amendes et les contributions imposées aux presbytériens réfractaires. Les dragons étaient tellement accoutumés à remplir ces missions, qu’ils croyaient pouvoir se permettre tout avec impunité.

Sans le respect qu’ils avaient pour leur cornette, qui jouait aux dés avec le ministre dans la même salle, il est probable que Bothwell et son camarade ne seraient pas restés tranquilles si longtemps ; mais les deux premiers, ayant été appelés pour conférer avec le magistrat de la ville sur une affaire urgente, Bothwell ne tarda pas à montrer combien il méprisait le reste de la compagnie.

— Holliday, dit-il à un dragon, n’est-il pas bien étrange de voir tous ces rustres passer ici la soirée à boire, sans qu’ils aient pensé à porter la santé du roi ?

— Vous vous trompez, j’ai entendu cette espèce de chenille verte proposer la santé de Sa Majesté.

— Oui-da ? Eh bien, Tom, il faut les faire boire à celle de l’archevêque de Saint-André ; et qu’ils la boivent à genoux, encore !

— Bonne idée, pardieu ! s’écria Inglis ; et si quelqu’un s’y refuse, nous l’emmènerons au corps de garde.

— Bien dit, Tom ? et pour procéder avec ordre, je vais commencer par ce rustre en bonnet bleu qui se tient seul dans un coin.

Bothwell se leva aussitôt, et mettant son sabre sous son bras, il se plaça en face de l’étranger que Niel avait signalé dans les avis adressés à sa fille ; prenant ensuite le ton solennel et nasillard d’un prédicateur puritain. — J’ai, lui dit-il, une petite requête à présenter à Votre Gravité, c’est de remplir ce verre de la boisson

  1. le sergent bothwell.

    Une grande partie des biens de Francis Stuart, comte de Bothwell, avaient été donnés à Walter Scott, premier lord de Buccleuch, et au premier comte de Roxburgh. Son fils obtint de Charles Ier un décret qui ordonnait à ces deux seigneurs de rendre ces biens ou de donner une compensation. Mais, dit le satirique Scotstarvel ; « Male parta pejus dilabuntur, » il n’en devint pas plus riche ; ses biens passèrent entre les mains de ses créanciers, et ils sont maintenant en la possession du docteur Seaton. Francis Stuart ne reçut pas, après la restauration, un avancement proportionné à sa haute naissance (il était cousin au troisième degré de Charles II) ; il fut simplement garde du corps du roi.

    Dans ce roman, le caractère de Bothwell est entièrement idéal.