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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

trouvait quelque impertinent, appelez-moi. — Encore ! écoutez ; lorsque la bière fera son effet sur nos buveurs, ils se mettront à parler du gouvernement et de l’église, et probablement ils se querelleront : laissez-les faire. La colère est une passion qui sèche le gosier, et plus ils se disputeront, plus ils boiront. Mais alors vous ferez bien de leur donner de la petite bière, cela les échauffera moins.

— Mais mon père, s’ils viennent à se battre, ne faudra-t-il pas vous avertir ?

— Gardez-vous-en bien. Celui qui veut mettre les holà dans une bagarre attrape toujours les coups les plus durs. Si les soldats tirent leurs sabres, appelez la garde. Si les bourgeois prennent les pincettes et la pelle de la cheminée, appelez le bailli et les officiers de police ; mais sous aucun prétexte ne m’appelez jamais, moi ! Je suis éreinté d’avoir soufflé toute la journée, et je veux dîner tranquillement dans mon petit cabinet. Ah ! voilà que j’y pense, le laird… c’est-à-dire celui qui a été le laird de Lickitup, avait demandé un hareng saur et de la petite bière. Tirez-le par la manche, et glissez-lui dans l’oreille que je le prie à dîner avec moi. C’était une bonne pratique autrefois, et il ne lui manque que les moyens pour l’être encore. Il boit toujours aussi volontiers. Si vous voyez quelque pauvre diable qui soit honteux faute d’argent, donnez-lui un verre de bière et un bannock[1] ; nous n’y perdrons rien ; cela met la maison en crédit. — Allons, mon enfant, contentez tout le monde ; mais d’abord servez-moi mon dîner.

Ayant ainsi donné ses instructions, Niel entra dans un cabinet séparé pour passer tranquillement le reste de la soirée avec le ci-devant laird.

La plus grande activité régnait alors. Les chevaliers du perroquet avaient déjà porté la santé de leur capitaine.

À une table voisine de la leur étaient les deux dragons dont Niel avait parlé, un brigadier et un simple soldat. Les officiers non commissionnés, ou sans brevet, et les simples soldats de ce corps, n’étaient pas considérés comme des mercenaires ordinaires ; leur rang les assimilait presque aux mousquetaires de France, car ils étaient regardés comme des cadets qui avaient tous la perspective d’obtenir un grade s’ils se comportaient honorablement.

L’officier sans brevet dont il s’agit ici en est un exemple remarquable : son vrai nom était Francis Stuart, mais il était généralement connu sous le nom de Bothwell, parce qu’il descendait directement du dernier comte de ce titre ; non de l’amant infâme de

  1. Espèce de pain rond plus dur que la galette d’Écosse ordinaire.