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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

royaliste ne se présentât pour disputer le prix. En moins d’une minute, le jeune lord Evandale mit pied à terre, prit un fusil des mains de son domestique, et frappa le perroquet.

La lutte s’ouvrit de nouveau entre ces trois concurrents, et l’intérêt des spectateurs redoubla. Le lourd équipage du duc s’approcha du théâtre de la lutte ; tous les yeux étaient attentifs au résultat.

Selon les anciens usages, les compétiteurs eurent recours à la voie du sort pour savoir qui tirerait le premier ; le hasard décida que ce serait le jeune plébéien. Il ne réussit pas, quoique sa balle eût sifflé si près du but que l’oiseau fut évidemment ébranlé. Le tireur vert s’avança, et pour la seconde fois sa balle frappa le perroquet. Les acclamations furent générales.

Les dignitaires du canton fronçaient le sourcil en entendant ces cris des malintentionnés ; mais lord Evandale obtint aussi à son tour le même succès ; et les félicitations bruyantes, les applaudissements des royalistes et de la partie aristocratique de l’assemblée ne lui furent pas épargnés. — Toutefois, l’épreuve n’était pas finie.

Le tireur vert, comme s’il était résolu à terminer l’affaire d’une manière décisive, prit son cheval, qu’il avait confié à un des spectateurs, s’assura de la solidité des sangles, mit le pied à l’étrier, et faisant signe de la main à la foule de s’écarter, joua des éperons, gagna au galop la place d’où il allait tirer, lâcha la bride, se retourna en arrière, déchargea sa carabine, et abattit le perroquet. La plupart de ceux qui entouraient lord Evandale lui dirent que c’était une innovation aux usages établis, et qu’il n’était pas obligé de l’imiter ; il n’en persista pas moins à suivre cet exemple. Mais, ou son adresse n’était pas aussi parfaite, ou son cheval n’était pas aussi bien dressé : à l’instant même où il lâchait son coup, l’animal fit un bond, et la balle n’atteignit pas l’oiseau.

On fut alors aussi charmé de la courtoisie du jeune homme au manteau vert qu’on l’avait été de son adresse : s’avançant vers lord Evandale, il lui dit qu’il ne pouvait se prévaloir d’un accident, et lui proposa une nouvelle épreuve à pied.

— Je la ferais plus volontiers à cheval, répondit ce dernier, si j’en avais un aussi bien dressé que le vôtre.

— Voulez-vous me faire l’honneur de le monter, et de me prêter le vôtre en échange ? demanda le jeune homme.

Lord Evandale était presque honteux d’accepter cette offre. Cependant, jaloux de rétablir sa réputation d’adresse, il dit à son rival qu’il lui cédait entièrement l’honneur de la journée, mais qu’il acceptait volontiers sa proposition. En parlant ainsi, il jeta