Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

prodigue de paroles quand il s’agissait de communiquer les détails qu’il avait recueillis sur eux, sur les guerres et les persécutions qu’ils endurèrent.

— C’est nous, disait-il, qui sommes les seuls véritables whigs. Des hommes charnels ont usurpé ce titre glorieux. Ils ne valent guère mieux que ceux qui n’ont pas honte de prendre le nom de tories, ces persécuteurs altérés de sang. Ce sont tous des hommes cupides, affamés de pouvoir, de richesses, ivres d’ambition terrestre, et oubliant tout ce qu’ont fait les illustres chrétiens qui bravèrent les méchants au jour de la colère céleste.

Je calmai le vieillard en ayant soin de ne pas contrarier ses opinions ; et, désireux de prolonger mon entretien avec un personnage si original, je lui persuadai d’accepter l’hospitalité que M. Cleishbotham est toujours empressé d’offrir à ceux qui en ont besoin. En cheminant vers l’école, nous entrâmes à l’auberge de Wallace, ou j’étais sûr de trouver mon patron. Après un échange mutuel de civilités, le vieillard se laissa entraîner, mais difficilement, à prendre avec son hôte un verre de liqueur ; puis, ôtant son bonnet et levant les yeux au ciel, il but à la mémoire de ces héros de l’église qui avaient les premiers arboré sa bannière sur les montagnes. Mon patron le conduisit chez lui, et le logea dans la chambre du prophète, comme il appelle ce cabinet qui contient un lit de réserve.

Le jour suivant, je pris congé du Vieillard de la mort, qui parut touché de l’attention inaccoutumée avec laquelle j’avais cultivé sa connaissance et écouté sa conversation. Quand il eut, non sans peine, enfourché son vieux poney blanc, il me prit la main et me dit : — La bénédiction de notre maître soit avec vous, jeune homme ! mes heures sont comme les épis mûrs, et vos jours sont encore dans leur printemps. Cependant vous pouvez être porté dans les greniers de la mort avant moi, car sa faux moissonne aussi souvent l’épi vert que l’épi jauni ; et il est sur vos joues une couleur qui, comme le vermillon de la rose, ne sert souvent qu’à cacher le ver de la tombe. Travaillez donc comme un ouvrier qui ignore quand son maître viendra ; et si Dieu permet que je revienne dans ce village lorsque vous serez dans le lieu de repos, ces mains ridées sculpteront pour votre sépulture une pierre qui empêchera votre nom de périr.

Je remerciai le vieillard de ses généreuses intentions, et je poussai un soupir, moins de regret que de résignation, en pensant à la possibilité d’avoir bientôt besoin de ses bons offices. Mais quoique, selon toutes les probabilités humaines, il ne se soit pas trompé en supposant que le fil de ma vie pût être tranché avant le temps, il