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— Oui, dit le chevalier, pour ronger les entrailles de nos nobles par l’usure, et pour tromper nos femmes et nos enfants avec des joyaux et des babioles ; je jurerais qu’il y a bon nombre de sequins dans ce sac.

— Pas un sequin, pas un penny d’argent, pas un sou ; puisse le Dieu d’Abraham me secourir ! dit le juif se tordant les mains. Je n’y vais que pour réclamer le secours de certains frères de ma tribu pour m’aider à payer l’amende que l’échiquier des juifs m’a imposée[1]. Père Jacob, soutiens-moi ! je suis un malheureux homme ruiné ; la houppelande que je porte a été empruntée à Reuben, de Tadcaster.

Le templier sourit sous cape à cette réplique.

— Sois maudit, menteur au cœur faux ! dit-il.

Et, continuant son chemin comme s’il eût dédaigné d’en dire davantage, il marmotta quelques mots avec ses esclaves sarrasins, dans une langue inconnue aux assistants.

Le pauvre israélite paraissait si troublé par l’apostrophe du moine guerrier, que le templier avait regagné l’autre extrémité de la salle avant qu’il osât relever sa tête humblement inclinée ; et, lorsque enfin il se hasarda de regarder, ce fut avec la stupeur d’un homme au pied duquel la foudre vient de tomber et qui entend encore le bruit terrible qui gronde à ses oreilles.

Le templier et le prieur furent conduits, presque immédiatement, à leur chambre à coucher par le majordome et l’échanson, chacun accompagné de deux porteurs de torche et de deux domestiques, munis de viandes et de vin, tandis que des domestiques d’une condition inférieure montraient à leur suite et au reste des hôtes leurs dortoirs respectifs.

  1. À cette époque, les juifs étaient soumis à un échiquier consacré spécialement à cet objet, et qui leur imposait les contributions les plus exorbitantes.