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Le costume du juif, costume qui paraissait avoir beaucoup souffert de l’orage, était un manteau à plusieurs plis, fait de drap grossier et sous lequel on pouvait distinguer une tunique couleur pourpre foncé. Il portait de larges bottes garnies de fourrures et une ceinture autour de la taille. Cette ceinture soutenait un petit couteau et un étui contenant tout ce qu’il fallait pour écrire ; mais il n’avait aucune espèce d’arme. Il était coiffé d’un bonnet jaune, long et carré, d’une mode singulière et assignée à sa nation pour distinguer les israélites des chrétiens, et qu’il ôta avec beaucoup d’humilité à la porte de la salle.

L’accueil fait au nouvel arrivant dans la salle de Cédric le Saxon aurait pu satisfaire le plus sanglant ennemi des tribus d’Israël. Cédric lui-même ne secoua que froidement la tête en réponse aux salutations réitérées du juif, et lui fit signe de se placer au bas bout de la table, où toutefois personne ne se dérangea pour lui faire place. Au contraire, au fur et à mesure qu’il passait derrière les convives en jetant un regard timide et suppliant, se tournant vers chacun de ceux qui occupaient l’extrémité de la table, les domestiques saxons carraient leurs épaules et continuaient à dévorer leur souper avec acharnement et sans faire la moindre attention aux besoins de leur nouvel hôte ; les serviteurs de l’abbé se signèrent en prenant des airs de pieuse horreur ; et les paysans sarrasins eux-mêmes, à l’approche d’Isaac, tirèrent leur poignard, comme s’ils étaient résolus à se garantir par les moyens les plus désespérés de la pollution dont les menaçait son contact.

Il est probable que les mêmes motifs qui engageaient Cédric à ouvrir les portes de sa maison à ce fils d’un peuple répudié l’eussent aussi engagé à exiger de ses chiens qu’ils reçussent Isaac avec plus de courtoisie ; mais en ce moment, l’abbé l’avait attiré dans une discussion très-intéressante sur l’éducation et le caractère de ses serviteurs saxons, discussion qu’il n’eût point voulu interrompre pour des choses bien autrement importantes que le souper d’un juif.