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— Doucement, mes dignes hôtes ! dit Cédric, il ne faut pas que mon hospitalité soit bornée par vos préventions. Si le ciel a enduré toute la nation de ces mécréants au cou serré pendant plus d’années que n’en saurait compter un laïque, nous pouvons bien, pendant quelques heures, endurer la présence d’un seul ; mais je n’oblige personne à converser ou à manger avec lui. Qu’on lui donne une table et une portion à part ; à moins, ajouta-t-il en souriant, que ces étrangers au turban ne veuillent l’admettre dans leur société.

— Messire franklin, répondit le templier, mes esclaves sarrasins sont de vrais musulmans, et il leur répugne autant qu’à tout chrétien d’avoir aucune communication avec un juif.

— Par ma foi ! dit Wamba, je ne saurais comprendre que les sectateurs de Mahomet et de Termagant aient un si grand avantage sur un peuple jadis élu de Dieu.

— Il prendra place auprès de toi, Wamba, dit Cédric ; le fou et le fripon seront admirablement ensemble.

— Le fou, répondit Wamba en montrant le reste d’un quartier de lard, saura bien dresser un rempart contre le fripon.

— Chut ! dit Cédric, car le voici.

Présenté avec peu de cérémonie et s’avançant avec crainte et hésitation, en multipliant des saluts d’une profonde humilité, un grand et mince vieillard, qui cependant avait perdu une grande partie de sa taille naturelle par l’habitude de se baisser, s’avança vers le bas bout de la table. Ses traits fins et réguliers, son nez aquilin, ses yeux noirs et pénétrants, son front haut et ridé, sa longue chevelure, sa longue barbe grise, auraient pu passer pour beaux s’ils n’eussent été les indices d’une physionomie particulière à une race qui, pendant ces siècles barbares, était également détestée par la plèbe crédule et superstitieuse et persécutée par la noblesse rapace, et qui, en conséquence peut-être de cette haine et de cette persécution, avait adopté un caractère national à la fois vil et repoussant.