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IVANHOÉ.

se dépouillerait de son linceul, et se présenterait devant nous pour prévenir un tel déshonneur à sa mémoire.

On eût dit que les paroles de Cédric avaient conjuré un spectre ; car à peine eut-il prononcé ces paroles, que la porte s’ouvrit d’elle-même, et qu’Athelsthane, couvert de son linceul, parut devant eux, pâle et les yeux hagards, semblable à un esprit de l’autre monde[1].

L’effet produit par cette apparition sur les spectateurs fut épouvantable. Cédric recula de terreur jusqu’au mur de l’appartement, et s’y appuya comme un homme incapable de se soutenir, regardant son ami avec des yeux qui paraissaient fixes et la bouche entrouverte.

Ivanhoé se signa en récitant des prières latines, saxonnes ou anglo-normandes, selon qu’elles se présentaient à sa mémoire, tandis que Richard s’écriait alternativement en latin ou en français : Benedicite ! et Mort de ma vie !

En même temps, un tapage effroyable se fit entendre au bas de l’escalier, les uns criant :

— Qu’on arrête les moines perfides !

D’autres :

— Qu’on les descende au caveau !

D’autres enfin :

— Qu’on les lance des créneaux les plus élevés !

— Au nom du Ciel ! s’écria Cédric en s’adressant à ce qui lui paraissait être le spectre de son ami décédé, si tu es un être mortel, parle ! Si tu es un esprit, dis-nous quelle cause t’amène auprès de nous, et ce que je peux faire pour le repos de ton âme ? Vivant ou mort, noble Athelsthane, parle à Cédric !

  1. La résurrection d’Athelstane a été souvent critiquée comme outrepassant les règles de la vraisemblance, même dans un ouvrage aussi romanesque. C’est un tour de force auquel l’auteur a été obligé d’avoir recours, vaincu par les supplications véhémentes de son éditeur et ami, qui ne pouvait se consoler de la mort d’Athelsthane. W. S.