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IVANHOÉ.

— Monseigneur, s’écria le frère, je vous demande humblement pardon, et vous m’excuseriez facilement si vous saviez seulement combien le péché de paresse m’obsède. Saint Dunstan (puisse-t-il vous être favorable !) n’en reste pas moins tranquille dans sa niche quand j’oublie mes oraisons pour aller expédier quelque daim. Maintes fois je passe la nuit hors de ma cellule à je ne sais quoi faire ; jamais saint Dunstan ne se plaint. C’est le maître le plus tranquille et le plus doux qu’on ait jamais fait en bois. Or, si j’étais un des gardes de mon souverain, ce qui serait un grand honneur sans doute, qu’arriverait-il si j’allais consoler une veuve dans un coin ou tuer un daim dans un autre ?

— Où est ce chien de prêtre ? » dirait l’un.

— Qui a vu ce maudit Tuck ? » dirait l’autre.

— Ce maroufle défroqué détruit plus de venaison que la moitié de la province ! » s’écrierait le garde.

Enfin, mon bon seigneur, je vous prie de me laisser tel que vous m’avez trouvé, ou, si vous voulez en quelque chose me faire jouir de votre bienveillance, considérez-moi comme le pauvre clerc de la cellule de saint Dunstan à Copmanhurst, qui recevra avec reconnaissance le moindre de vos dons.

— Je te comprends, dit le roi, et le saint clerc aura le droit de chasse dans mes forêts de Warncliffe. Fais bien attention pourtant que je ne te permets de tuer que trois daims par saison ; mais, si cette permission ne te sert pas d’excuse pour en tuer trente, je ne suis ni bon roi ni chevalier chrétien.

— Votre Grâce peut être bien sûre, répondit le frère, qu’avec la bénédiction de saint Dunstan, je trouverai moyen de multiplier votre largesse.

— Je n’en doute pas, mon bon frère, reprit le roi, et, comme la venaison toute seule est une nourriture qui altère, notre sommelier aura l’ordre de te livrer tous les ans un muid de vin des Canaries, une caque de vin de Malvoisie et trois barriques d’ale de la première qualité. Si cela