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IVANHOÉ.

opposées qui bouleversaient ses traits, et ce fut d’une voix très sourde qu’à la fin il répliqua en regardant Rébecca :

— Le papier ! le papier !

— Enfin, reprit Beaumanoir, voici un témoignage véritable ! La victime de ces sorcelleries ne peut que nommer le papier fatal sur lequel sans doute est tracé le charme qui la condamne au silence.

Mais Rébecca comprit d’une autre manière les mots arrachés pour ainsi dire à Bois-Guilbert, et, jetant un coup d’œil sur le petit parchemin qu’elle continuait à tenir, elle y lut en caractères arabes :

« Demandez un champion. »

Les rumeurs diverses qui parcoururent l’assemblée à l’étrange réponse de Bois-Guilbert fournirent à Rébecca le loisir de lire, puis de déchirer le billet sans être observée.

Dès que le silence se fut rétabli, le grand maître dit :

— Rébecca, tu ne peux retirer aucun avantage du témoignage de ce malheureux chevalier, sur lequel, comme nous nous en apercevons trop bien, l’ennemi est encore tout-puissant. As-tu quelque chose de plus à dire ?

— Il me reste encore une chance de salut, dit Rébecca, même selon l’esprit de vos lois féroces ; ma vie a été misérable, surtout depuis quelque temps ; mais je ne veux pas sacrifier le don de Dieu tant qu’il m’offre le moyen de le défendre : je nie la vérité de votre accusation, j’affirme que je suis innocente. Je réclame le privilège du jugement par les armes, où je serais représentée par mon champion.

— Qui donc, Rébecca, répliqua le grand maître, mettra sa lance en arrêt pour une sorcière ? qui sera le champion d’une juive ?

— Dieu m’enverra un champion, reprit Rébecca ; il est impossible que, dans la noble Angleterre, dans ce pays hospitalier, généreux et libre, où tant de chevaliers sont disposés à risquer leur vie pour l’honneur, il ne se trouve