Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/492

Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
IVANHOÉ.

Le manant, fouillant dans son sac d’une main tremblante, en retira une petite boîte, sur le couvercle de laquelle étaient gravés quelques caractères hébreux, preuve certaine, pour la plupart des spectateurs, qu’elle sortait de la pharmacie du diable.

Après avoir fait le signe de la croix, Beaumanoir prit la boîte dans sa main, et, comme les langues orientales lui étaient familières, il lut facilement cette inscription gravée sur le couvercle :

le lion de la tribu de Juda a vaincu.

— Singulière puissance de Satan ! s’écria le grand maître, qui peut changer les saintes Écritures en blasphème, et faire un poison de ce qui doit être notre nourriture journalière ! N’y a-t-il aucun médecin qui puisse nous dire quels sont les ingrédients qui composent cet onguent mystique ?

Deux praticiens (comme ils s’en donnaient le titre), l’un moine et l’autre barbier, s’avancèrent et avouèrent qu’ils ne connaissaient rien à la composition de cet onguent, si ce n’est qu’il exhalait une odeur de myrrhe et de camphre, qu’ils prirent pour des herbes orientales. Mais, avec cette malignité qu’inspire leur profession contre ceux qui y obtiennent des succès sans y être légalement agrégés, ils donnèrent à entendre que ce remède devait nécessairement provenir d’une pharmacopée magique et illicite, puisque eux, versés dans toutes les branches de l’art de guérir, en tant qu’elles étaient compatibles avec la conscience d’un chrétien, ils ne le connaissaient pas.

Lorsque cette discussion médicale fut terminée, le paysan saxon demanda humblement qu’on lui restituât le remède qui lui avait été si salutaire ; mais, à cette requête, le grand maître le regarda sévèrement :

— Quel est ton nom, drôle ? dit-il au perclus.

— Higg, fils de Snell, répondit le paysan.

— Eh bien ! Higg, fils de Snell, reprit le grand maître,