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ils se servent librement de l’un et de l’autre pour peu que vous leur en fournissiez la moindre occasion.

— Oui, répondit le prieur Aymer ; mais chaque pays a ses us et coutumes ; et, outre que battre ce drôle ne nous eût procuré aucune information sur notre route, c’était le seul moyen d’engager une querelle entre vous et lui. Si nous avions trouvé notre route par ce moyen, rappelez-vous ce que je vous ai dit : ce riche franklin est fier, impétueux, jaloux et irritable, adversaire de la noblesse et même de ses voisins, Philippe Malvoisin et Reginald Front-de-Bœuf, qui ne sont pas des enfants à combattre ; il soutient si fièrement les privilèges de sa race, et il est si orgueilleux de sa descendance non interrompue d’Hereward, champion renommé de l’heptarchie, qu’on l’appelle universellement Cédric le Saxon. Il se vante d’appartenir à un peuple que beaucoup d’autres renient pour ancêtres, de peur de rencontrer une portion de vœ victis, c’est-à-dire des sévérités imposées aux vaincus.

— Prieur Aymer, dit le templier, vous êtes un homme galant, docte dans l’étude de la beauté, et aussi expert qu’un ménestrel dans toutes les affaires qui concernent les arrêts d’amour ; mais il me faudra trouver beaucoup de perfections dans cette célèbre Rowena, pour servir de contrepoids à l’abstinence et à la retenue que je dois observer, s’il me faut courtiser la faveur d’un manant aussi séditieux que son père Cédric.

— Cédric n’est point son père, répliqua le prieur ; elle est issue d’un sang plus noble que celui dont il se vante de sortir, et lady Rowena n’est liée avec lui que par le hasard d’une parenté éloignée ; toutefois, il est son gardien, de son propre choix, je pense ; mais la pupille lui est aussi chère que si elle était son propre enfant ; au reste, vous jugerez vous-même bientôt de sa beauté, et, si la pureté de son teint et l’expression majestueuse mais douce de son œil bleu ne chasse pas de votre souvenir les filles de Palestine et leurs noirs cheveux tressés, ainsi que les houris du paradis du