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IVANHOÉ.

lier Noir l’arrêta ; ce qui attira sur lui la colère du fougueux ermite.

— Par saint Thomas de Kent ! dit-il, si je m’y mets, sire Fainéant, je t’apprendrai, malgré ton habit de fer, à te mêler de tes propres affaires.

— Ne te fâche pas contre moi, dit le chevalier ; tu sais que je suis ton ami juré et ton camarade.

— Je ne sais rien de tout cela, répondit le moine, et je te défie comme un intrus vantard.

— Mais, dit le chevalier, qui semblait prendre plaisir à provoquer son hôte de l’avant-veille, as-tu oublié comment, par amour pour moi (car je ne dis rien de la tentation de la cruche et du pâté), tu as rompu ton vœu de jeûne et de veille ?

— En vérité, dit le père en serrant son poing énorme, je vais t’octroyer un horion[1].

— Je n’accepte pas de pareils présents, dit le chevalier ; je me contenterai de prendre ton soufflet comme un prêt, mais je te le rendrai avec des intérêts tels que jamais ton prisonnier le juif n’en a extorqué dans son trafic.

— C’est ce dont je veux avoir la preuve à l’instant même, dit le moine.

— Holà ! s’écria le capitaine, que fais-tu donc, prêtre enragé ? Une querelle sous notre grand chêne !

  1. L’échange d’un coup de poing avec le prêtre pétulant n’est pas entièrement contraire au caractère de Richard Ier, s’il faut en croire les romans. Dans un de ces livres très curieux, ayant trait à ses aventures dans la Terre sainte et à son retour de ces contrées lointaines, on rapporte qu’il eut affaire de pugilat à peu près dans le même genre pendant sa captivité en Allemagne. Son adversaire était le fils du principal geôlier, qui avait eu l’imprudence de lui porter un défi pour cet échange de coups de poing. Le roi s’avança comme un homme ferme, et reçut un coup qui l’ébranla. Par compensation, et ayant à l’avance enduit sa main de cire, pratique inconnue, je crois, aux experts modernes de la boxe, il rendit le coup sur l’oreille avec tant d’usure, qu’il tua sur place son adversaire. (Voyez, dans les extraits des romans anglais d’Ellis, celui de Cœur-de-Lion.)