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IVANHOÉ.

c’est toi qui sans doute nous oublieras bientôt et t’oublieras toi-même.

— Je m’oublierai en effet moi-même avant de t’oublier, bon camarade, répondit Gurth, et, si la liberté te convenait, Wamba, ton maître te la donnerait.

— Non, non, dit Wamba, je ne te porterai jamais envie, frère Gurth ; le serf reste assis au coin du feu pendant que l’homme franc est obligé d’aller à la guerre. Que dit Oldhelm de Malmesbury : « Mieux vaut un fou dans un festin qu’un sage dans une escarmouche. »

Un piétinement de chevaux se fit alors entendre, et lady Rowena parut, entourée de plusieurs cavaliers et d’une troupe encore plus nombreuse de fantassins, agitant leurs piques et faisant résonner leurs haches en signe de joie pour sa délivrance.

La belle Saxonne elle-même, richement vêtue et montée sur un palefroi d’un brun foncé, avait repris toute la distinction de ses manières. Une pâleur inaccoutumée révélait seule ce qu’elle avait souffert ; son front délicat, quoique assombri encore, paraissait animé à la fois par une pensée d’espérance et par un sentiment de gratitude. On lui avait appris qu’Ivanhoé vivait et qu’Athelsthane était mort. La première nouvelle avait rempli son cœur du plus sincère ravissement, et, si la seconde ne l’avait pas profondément affligée, on peut lui pardonner en songeant que, par là, elle se voyait affranchie de la seule contradiction que lui eût jamais fait éprouver son tuteur Cédric.

Lorsque Rowena dirigea son cheval vers le trône de Locksley, le vaillant yeoman et tous ses archers se levèrent pour la recevoir, comme par un instinct naturel de courtoisie ; le sang afflua à ses joues lorsque, saluant de la main et inclinant la tête si bas que ses belles tresses pendantes se mêlèrent pour un moment à la crinière flottante de son palefroi, elle exprima en peu de mots, mais en termes flatteurs, sa reconnaissance envers Locksley et ses autres libérateurs.