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IVANHOÉ.

que nous avons jurées et auxquelles nous sacrifions tout ce qui nous est cher.

— Hélas ! dit la belle juive, et qu’est-ce que cela, noble chevalier, sinon un sacrifice au démon de l’orgueil, une offrande au père de Moloch ? Que vous reste-t-il pour prix de tout le sang que vous avez répandu, de toutes les fatigues et de toutes les douleurs que vous avez endurées, de toutes les larmes que vos triomphes ont fait couler, lorsque la mort vient briser la lance du fort et arrêter l’essor de son cheval de bataille ?

— Ce qui reste ? s’écria Ivanhoé. La gloire, jeune fille, la gloire qui dore notre sépulcre et embaume un souvenir.

— La gloire ! répondit Rébecca. Hélas ! est-ce que la cotte de mailles rouillée, qui reste suspendue au-dessus de la tombe sombre et poudreuse du guerrier, est-ce que les caractères effacés de l’inscription que le moine ignorant ne lit qu’avec peine au pèlerin curieux, sont des récompenses suffisantes pour le sacrifice de toutes les affections douces, pour une vie passée misérablement à faire des misérables ? La rude poésie d’une bande errante peut-elle vous faire sacrifier l’amour du foyer, la tendre amitié, le repos et le bonheur, pour devenir le héros de ces ballades que les ménestrels vagabonds chantent à des manants ivres, buvant leur ale du soir ?

— Par l’âme d’Hereward ! s’écria le chevalier avec impatience, tu parles, jeune fille, de ce que tu ignores. Tu éteindrais la pure lumière de la chevalerie, qui seule distingue les nobles des vilains, le chevalier du manant et du sauvage ; qui nous fait mettre la vie bien au-dessous de notre honneur ; qui nous fait vaincre la douleur, la fatigue et la souffrance, et qui nous enseigne à ne craindre d’autre mal que la défaite ! Tu n’es pas chrétienne, Rébecca, et tu ne connais pas ces sentiments élevés qui gonflent le sein d’une noble jeune fille quand son amant a fait quelque action d’éclat qui sanctionne sa flamme… La chevalerie ! sais-tu, jeune fille, que c’est l’aliment des affections