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IVANHOÉ.

Rébecca examina ses blessures, et, lui ayant appliqué des remèdes salutaires prescrits par son art, elle dit à son père que, si on pouvait arrêter la fièvre, qu’elle redoutait fort peu vu la perte de sang, et si le baume de Myriam conservait sa vertu, il n’y aurait rien à craindre pour la vie de son hôte, qui serait en état de partir avec eux pour York le jour suivant.

Isaac parut un peu contrarié de cette nouvelle. Sa charité aurait bien désiré s’arrêter à Ashby, où il aurait voulu laisser le chrétien blessé, pour qu’on le soignât dans la maison qu’il habitait, en assurant l’israélite à qui elle appartenait que toutes les dépenses nécessaires lui seraient religieusement remboursées. Mais Rébecca opposa à ce plan plus d’une raison ; nous n’en mentionnerons que deux, qui furent d’un grand poids auprès d’Isaac.

La première, c’est qu’elle ne voulait d’aucune manière confier la fiole de baume précieux aux mains d’une autre personne, fût-ce même à une personne de sa propre tribu, de peur que le précieux secret ne fût découvert ; l’autre, c’est que ce chevalier blessé, Wilfrid d’Ivanhoé, était un favori de Richard Cœur-de-Lion, et que, dans le cas où le monarque reviendrait, Isaac, qui avait fourni à son frère Jean le trésor dont il avait eu besoin pour exécuter ses desseins de rébellion, aurait grand besoin d’un protecteur puissant auprès de Richard.

— Tout cela est bien vrai, Rébecca, dit Isaac cédant à la force des arguments ; ce serait offenser le Ciel que de trahir les secrets de l’honorable Myriam ; car les biens que le Ciel nous donne ne doivent pas être prodigués sans mesure aux autres, que ce soient des pièces d’or ou des shekels d’argent, ou les secrets mystérieux d’un savant médecin. Assurément, il faut les conserver à ceux à qui la Providence a daigné les transmettre. Et quant à celui que les Nazaréens d’Angleterre appellent Richard Cœur-de-Lion, il vaudrait certes mieux pour moi que je tombasse entre les griffes d’un lion furieux d’Idumée, qu’entre les mains de ce Richard,