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IVANHOÉ.

plein gré, et aux conditions que tu m’imposeras. Il faut que tu consentes à partager avec moi des espérances plus étendues que celles qui peuvent naître sur le trône d’un monarque. Écoute-moi avant de me répondre, et juge avant de refuser. Le templier perd, comme tu l’as dit, ses droits sociaux, son libre arbitre ; mais il fait partie et devient membre d’un corps puissant devant lequel les trônes commencent déjà à trembler. Comme la goutte de pluie qui se mêle à la mer devient une portion de cet océan irrésistible qui mine les rochers et engloutit des flottes, cette ligue formidable est aussi une mer immense. Je ne suis pas un membre ordinaire de cet ordre puissant ; je suis déjà l’un des principaux commandeurs, et peut-être, un jour, aurais-je le bâton de grand maître. Ce n’est pas assez que les pauvres soldats du Temple posent leur pied sur le cou des rois, le moine aux sandales de chanvre en fait autant ; mais notre pied chaussé de fer montera sur leurs trônes, notre gantelet leur arrachera les sceptres ; le règne du Messie, que vous attendez vainement, ne promet pas une si grande puissance à vos tribus dispersées que mon ambition n’en voit se dérouler devant elle. Je n’ai cherché qu’un courage égal au mien pour faire partager ce pouvoir, et je l’ai trouvé en toi.

— Est-ce à une fille de mon peuple que tu parles ainsi ? demanda Rébecca. Songe donc…

— Ne me réponds pas, reprit le templier, en alléguant la différence de nos cultes ; dans nos conclaves secrets, nous nous moquons des contes d’enfant. Ne pense pas que nous soyons restés longtemps aveuglés sur la folie idiote de nos fondateurs, qui abjurèrent toutes les délices de la vie pour le plaisir de mourir martyrs de la faim, de la soif et de la peste, et par le fer des sauvages, tandis qu’ils s’efforçaient en vain de défendre un désert aride, qui n’avait de valeur qu’aux yeux de la superstition. Notre ordre eut bientôt adopté des vues plus larges et plus hardies, et découvrit une meilleure compensation à ses sacrifices. Nos immenses possessions dans tous les empires de l’Europe, notre haute réputation