Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
IVANHOÉ.

— Je le puis, je le veux, c’est mon intention, reprit de Bracy ; car, si Rowena consent à devenir la fiancée de de Bracy, qui osera porter la main sur son parent, le fils de son tuteur, l’ami de son enfance ? Mais ton amour doit être le prix de ma protection. Je ne suis pas assez romanesque, assez sot pour contribuer à la fortune ou empêcher le malheur de l’homme qui pourra devenir un obstacle insurmontable entre moi et mes désirs. Emploie ton influence sur moi, dans le but de ton salut, et il est sauvé ; refuse d’en faire usage, Wilfrid meurt ; toi-même, tu n’en seras pas moins privée de la liberté.

— Ton langage, répondit Rowena, laisse percer, à travers son indifférente franchise, des sentiments qu’on ne peut concilier avec les menaces qu’il semble renfermer. Je ne veux pas croire que ton intention soit aussi méchante ou ton pouvoir aussi grand.

— Berce-toi donc de cette croyance, dit de Bracy, jusqu’à ce que le temps en ait prouvé la fausseté. Ton amant gît blessé dans ce château, ton amant préféré ! Il est une barrière entre Front-de-Bœuf et cette chose que Front-de-Bœuf préfère à l’ambition et à la beauté. Un coup de poignard ou de javelot suffit pour étouffer à jamais son opposition. Il y a plus : si Front-de-Bœuf craignait de ne pouvoir justifier un crime si manifeste, que le médecin lui administre seulement une boisson contraire, que le valet ou la garde-malade qui le soigne enlève seulement l’oreiller de dessous sa tête, et Wilfrid, dans son état de santé, périra par une hémorragie… Cédric aussi…

— Et Cédric aussi ! s’écria Rowena en répétant ces paroles ; mon noble, mon généreux tuteur ! J’ai mérité le mal qui m’arrive pour avoir oublié son sort, même dans celui de son fils.

— Le sort de Cédric dépend aussi de ta détermination, dit de Bracy, et je te laisse y réfléchir.

Jusqu’ici, Rowena avait soutenu son rôle pendant cette scène pénible avec un courage inébranlable ; mais elle n’avait