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IVANHOÉ.

Athelsthane, que vous, issu du sang de Harold, et moi, dont le père n’était pas un des moins vaillants défenseurs de la Couronne saxonne, nous serions prisonniers d’un vil Normand, dans la salle même où nos ancêtres ont tenu cet illustre banquet ?

— C’est assez triste, reprit Athelsthane ; mais j’espère qu’ils exigeront de nous une rançon modérée. Après tout, ils ne peuvent avoir l’intention de nous laisser mourir tout à fait de faim. Et cependant, bien qu’il soit midi, je ne vois pas les préparatifs de notre dîner. Regardez à la fenêtre, noble Cédric, et jugez, aux rayons du soleil, s’il n’est pas midi.

— Cela se peut, répondit Cédric ; mais je puis regarder ces vitraux coloriés sans qu’ils fassent naître chez moi d’autres réflexions que celles qui s’attachent au moment actuel et à ses privations. Lorsque cette fenêtre fut construite, mon noble ami, nos pères courageux ne connaissaient ni l’art de fabriquer le verre ni celui de le colorier. Le père de Wolfgang, dans son orgueil, fit venir un artiste de Normandie pour décorer sa grande salle avec cette nouvelle espèce de peinture héraldique qui transforme la lumière dorée du jour béni par Dieu en une foule de couleurs capricieuses et fantastiques. L’étranger arriva ici pauvre, mendiant, obséquieux et rampant, prêt à ôter son bonnet devant le dernier valet de la maison. Il s’en retourna repu et orgueilleux, pour raconter à ses rapaces compatriotes la richesse et la simplicité de nos nobles Saxons. Folie, Athelsthane, présagée autrefois et prévue par les successeurs de Hengist et par ses tribus hardies qui conservèrent la pureté de leurs mœurs. Nous avons fait de ces étrangers nos amis de cœur, nos serviteurs et nos confidents. Nous avons emprunté leurs artistes et leurs arts, et méprisé l’honnête rusticité et la vigueur avec lesquelles nos braves ancêtres se sont maintenus, et nous nous sommes laissé énerver par le luxe des Normands longtemps avant de tomber sous leurs armes. Ah ! combien nos modestes repas, faits en paix et