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et tous les autres saints du calendrier saxon (car jamais Cédric n’avait juré par aucun autre saint que les saints saxons, et toute sa maison s’était conformée à cette même dévotion), jamais je ne lui pardonnerai.

— D’après ma manière de penser, dit le bouffon, qui avait l’habitude de se poser en conciliateur dans la famille, notre maître n’avait pas l’intention de faire du mal à Fangs ; il ne tentait que de l’effrayer ; car, si tu l’as observé, il s’était levé sur ses étriers, comme voulant par là dépasser le but, et il l’aurait fait ; mais Fangs, dans ce même moment, ayant par hasard fait un bond, reçut une égratignure que je me charge, moi, de guérir avec un penny de goudron.

— Si je pouvais le croire, reprit Gurth, si je pouvais seulement le croire ! mais non, j’ai vu que le javelot était bien dirigé, je l’ai entendu siffler en l’air avec tout le courroux malveillant de celui qui l’avait lancé. Et, quand il se fixa en terre, ce javelot trembla comme de regret d’avoir manqué le coup. Par le porc cher à saint Antoine ! je renonce à Cédric.

Sur quoi, le porcher indigné retomba dans son morne silence, que tous les efforts du bouffon ne purent lui faire rompre.

Pendant ce temps, Cédric et Athelsthane, les chefs de la troupe, conversaient ensemble sur l’état du pays, sur les dissensions de la famille royale, sur les disputes et querelles entre les seigneurs normands, et sur l’espoir qu’il y avait que les Saxons opprimés pussent encore secouer le joug des Normands, ou du moins reprendre une importance et une indépendance nationales pendant les convulsions civiles qui allaient probablement éclater.

Sur ce sujet, Cédric était plein d’animation. La régénération de sa race était le rêve favori de son cœur, rêve auquel il eût volontiers sacrifié le bonheur domestique et les intérêts de son fils ; mais, pour accomplir cette grande révolution en faveur des Anglais indignes, il fallait qu’ils fussent unis entre eux, et qu’ils agissent sous un chef reconnu.