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IVANHOÉ.

me sauvegardât, je courrais, par ma foi ! grand risque d’être pendu.

— Néanmoins, si j’étais à ta place, continua le chevalier, je rôderais par le clair de lune, quand le forestier et les gardes sont chaudement couchés dans leur lit, et, de temps à autre, en marmottant mes prières, je laisserais aller une flèche au beau milieu des daims fauves qui paissent dans les clairières. Dites-moi, clerc, n’auriez-vous jamais pratiqué un tel passe-temps ?

— Ami Fainéant, répondit l’ermite, tu as vu de mon ménage tout ce qu’il t’importe d’en voir, et un peu plus même que ne mérite d’en voir celui qui s’empare d’un logis par la violence ; crois-moi, il vaut mieux jouir du bien que Dieu nous envoie, que de s’informer indiscrètement d’où il nous vient. Remplis ta coupe et sois le bienvenu ; mais, je t’en prie, ne va point, par d’impertinentes questions, me forcer à te prouver que tu aurais eu de la peine à t’introduire dans ma maison, si j’avais voulu m’y opposer sérieusement.

— Par ma foi ! dit le chevalier, tu me rends plus curieux qu’auparavant ; tu es l’ermite le plus mystérieux que j’aie jamais rencontré ; et je veux en savoir davantage sur toi avant que nous nous séparions… Quant à tes menaces, apprends, saint homme, que c’est le métier de celui à qui tu parles de chercher et de trouver le danger partout où il se rencontre.

— Sire chevalier Fainéant, je bois à ta santé, dit l’ermite, en respectant fort ta valeur, mais en estimant très peu ta discrétion. Si tu veux prendre avec moi des armes égales, je te donnerai en toute amitié et amour fraternel une pénitence si suffisante et une absolution si entière, que tu ne retomberas pas, pendant les douze mois qui vont suivre, dans les pensées de l’orgueil et de la curiosité.

Le chevalier lui fit raison et le pria de nommer ses armes.

— Il n’en existe pas, répliqua l’ermite, depuis les ciseaux de Dalila et le clou de Jahel, jusqu’au cimeterre de Goliath,