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IVANHOÉ.

— Moi, m’occuper de mes propres affaires ? s’exclama Waldemar. J’ai été chargé de celles du prince Jean, notre commun patron.

— Comme si tu avais pour cela d’autres raisons, Waldemar, dit de Bracy, que le soin de ton intérêt personnel ? Allons, Fitzurze, nous nous connaissons : l’ambition, voilà ton motif ; le plaisir, voilà le mien, et ils s’adaptent à nos âges respectifs. Tu penses du prince Jean, comme moi, qu’il est trop faible pour faire un monarque résolu, et trop despote pour faire un monarque faible ; trop insolent et trop présomptueux pour devenir populaire, et trop inconstant et trop timide pour être longtemps un monarque quelconque. Cependant c’est un prince par lequel Fitzurze et de Bracy comptent s’élever et faire fortune ; c’est pourquoi nous l’appuyons, vous de votre politique, et moi des lances de mes libres compagnons.

— Tu es un auxiliaire précieux ! dit Fitzurze avec impatience ; tu joues le fou à l’heure de la crise. Voyons, quel but te proposes-tu par ce déguisement absurde, dans un moment aussi pressant ?

— D’obtenir une femme, répondit froidement de Bracy, selon la manière de la tribu de Benjamin.

— La tribu de Benjamin ? dit Fitzurze. Je ne comprends pas.

— N’étais-tu pas au banquet hier au soir, dit de Bracy, quand nous entendîmes le prieur Aymer conter une histoire, en réplique à la romance chantée par le ménestrel. Il nous racontait comment, il y a longtemps, en Palestine, une dispute mortelle s’éleva entre la tribu de Benjamin et le reste de la nation israélite, qui tailla en pièces presque toute la chevalerie de cette tribu, et comment ils jurèrent par notre Sainte Vierge qu’ils ne permettraient pas à ceux qui restaient de se marier dans leur tribu, et comment ils regrettèrent leur vœu, et envoyèrent consulter Sa Sainteté le pape pour savoir s’ils pouvaient en être relevés, et comment, par l’avis du Saint-Père, les jeunes gens de la tribu de