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IVANHOÉ.

Le prince Jean, qui s’attendait à entendre son propre nom à la fin du discours du Saxon, tressaillit lorsque celui de son frère spolié fut inopinément prononcé. Il porta machinalement la coupe à ses lèvres, puis la posa sur la table pour étudier le maintien des convives à cette proposition inattendue, et à laquelle plusieurs d’entre eux sentaient qu’il était aussi dangereux de résister que d’acquiescer.

Quelques courtisans vieux et expérimentés suivirent à peu près l’exemple du maître, élevant d’abord la coupe à la lèvre, puis la replaçant devant eux. Il y en eut plusieurs qui, mus par un sentiment plus généreux, s’écrièrent :

— Vive le roi Richard ! et qu’il nous soit bientôt rendu !

Enfin un petit nombre, parmi lesquels Front-de-Bœuf et le templier, laissèrent avec un morne dédain leur gobelet devant eux. Mais personne ne s’offrit à contrarier ouvertement le toste porté à la santé du monarque régnant.

Ayant joui de son triomphe pendant une minute environ, Cédric dit à son compagnon :

— Levez-vous, noble Athelsthane ! nous sommes restés ici assez longtemps, puisque nous avons acquitté la courtoisie hospitalière du banquet du prince Jean. Ceux qui voudront en savoir davantage sur nos rudes manières devront dorénavant nous chercher dans les maisons de nos pères ; car nous avons assez vu de banquets royaux et de politesse normande.

En disant ces mots, il se leva et quitta la salle du banquet, suivi d’Athelsthane et de plusieurs autres convives qui, appartenant à la race saxonne, se sentaient insultés par les sarcasmes du prince Jean et de ses courtisans.

— Par les ossements de saint Thomas ! dit le prince Jean au moment où ils se retiraient, ces manants saxons ont eu l’avantage de la journée et se retirent en triomphe.

Conclamatum et voculatum est ! dit le prieur Aymer. Nous avons bu et nous avons crié, il est temps de quitter nos pots !

— Le moine veut confesser quelque belle pénitente ce