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IVANHOÉ.

pas naturellement l’intelligence prompte ; mais ceux-là dépréciaient trop son esprit qui s’attendaient que ce compliment flatteur pût effacer le sentiment de l’insulte précédente.

Il garda toutefois le silence, quand un autre toste royal fut porté à sir Athelsthane de Coningsburg.

Le chevalier salua, et se montra sensible à cet honneur en vidant un large gobelet pour y répondre.

— Et maintenant, messeigneurs, dit le prince Jean, que le vin commençait à échauffer, ayant fait justice à nos convives saxons, nous les prierons de nous rendre courtoisie pour courtoisie. Digne thane, continua-t-il en s’adressant à Cédric, pouvons-nous vous prier de nous citer quelque Normand dont le nom répugne le moins à votre bouche, et de laver avec un verre de vin toute l’amertume que ce nom pourra laisser derrière lui.

Fitzurze se leva pendant que le prince Jean parlait encore, et, se glissant derrière le siège du Saxon, lui dit à l’oreille de ne pas perdre l’occasion de mettre fin à l’inimitié qui régnait entre les deux races en nommant le prince Jean.

Le Saxon ne répondit pas à cette insinuation politique ; mais, se levant, et remplissant sa coupe jusqu’au bord, il apostropha le prince Jean en ces termes :

— Votre Altesse exige de moi que je nomme un Normand qui mérite d’être cité à votre banquet. C’est peut-être une tâche difficile, puisque c’est demander à l’esclave de chanter les louanges du maître ; au vaincu, qui souffre encore tous les maux de la conquête, d’entonner les louanges du vainqueur ; cependant je vais nommer un Normand, le premier dans les armes et le premier par son rang, le meilleur comme le plus noble de sa race, et celui qui refusera de confirmer sa bonne renommée, je le déclare faux et sans honneur, et je soutiendrai mon dire avec ma vie. Je vide donc ce gobelet à la santé de Richard Cœur-de-Lion !