Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
IVANHOÉ

où il a appris à faire ces tours d’équitation que vous estimez tant. Il l’a quittée contre mon désir et mes ordres, et, du temps d’Alfred, on eût taxé cela de désobéissance et de crime sévèrement punissables.

— Hélas ! répondit le prince Jean avec un profond soupir de sympathie affectée, puisque votre fils a été un partisan de mon malheureux frère, il ne faut pas s’étonner où et de qui il a appris cette désobéissance filiale.

Ainsi parlait le prince jean, daignant oublier que, de tous les fils de Henri II, bien qu’ils fussent tous passibles de ce reproche, il avait été lui-même le plus incriminé pour sa rébellion et son ingratitude envers son père.

— Il me semble, dit-il après un moment d’hésitation, que mon frère se proposait de confier à son favori le riche manoir d’Ivanhoé ?

— Il le lui a inféodé en effet, répondit Cédric, et ce n’est pas mon moindre sujet de querelle avec mon fils, qui s’est abaissé à ne tenir que comme vassal féodal les domaines dont ses pères jouissaient en toute liberté et indépendance.

— Alors nous aurons votre pleine sanction, brave Cédric, dit le prince Jean, de conférer ce fief à une personne dont la dignité ne sera pas amoindrie en tenant des terres de la Couronne d’Angleterre. Sir Réginald Front-de-Bœuf, dit-il en se tournant vers le baron, je compte que vous garderez si bien la bonne baronnie d’Ivanhoé, que ce Wilfrid n’encourra pas le déplaisir de son père en rentrant de nouveau dans la possession de ce domaine.

— Par saint Antoine ! répondit le géant au front bronzé, je consens à ce que Votre Altesse me prenne pour un Saxon, si ce Cédric ou Wilfrid, ou le meilleur sang de l’Angleterre, m’arrache jamais la propriété dont Votre Altesse vient de m’honorer.

— Quiconque t’appellera Saxon, sire baron, reprit Cédric, froissé par l’expression par laquelle les Normands manifestaient souvent leur mépris habituel pour les Anglais, te fera un honneur aussi grand que peu mérité.