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IVANHOÉ

roula sur l’arène, embarrassé dans ses étriers, d’où il ne pouvait retirer le pied. Son adversaire s’élança de son cheval, et, levant sa terrible épée au-dessus de la tête du templier, il lui ordonnait de se rendre, lorsque le prince Jean, plus sensible à la situation périlleuse de Bois-Guilbert qu’il ne l’avait été de son rival, lui sauva la honte de s’avouer vaincu, en jetant son bâton de commandement dans l’arène et en mettant ainsi fin au combat.

Ce n’était plus, à la vérité, que les faibles restes de la mêlée qui s’agitaient encore ; car, du petit nombre de chevaliers qui étaient demeurés dans la lice, la plus grande partie avait, par un assentiment tacite, assisté oisifs à la lutte des chefs, laissant à son issue le soin de terminer la joute.

Les écuyers, qui avaient trouvé difficile et périlleux de suivre leurs maîtres pendant la bataille, entrèrent alors en foule dans la lice, pour faire leur service auprès des blessés, qui furent emportés avec le plus de soin et d’attention possible dans les pavillons voisins, ou bien dans les quartiers préparés pour eux dans le village voisin.

Ainsi se termina la mémorable passe d’armes d’Ashby-de-la-Zouche, un des tournois les plus vaillamment disputés de ce siècle ; car bien qu’il n’y eût de tués que quatre chevaliers, dont l’un avait été étouffé par le poids de son armure, cependant plus de trente furent grièvement blessés, et de ce nombre quatre ou cinq ne se rétablirent jamais. Plusieurs autres restèrent estropiés toute leur vie, et ceux qui furent les plus heureux portèrent jusqu’au tombeau les cicatrices de ce combat. C’est pourquoi les anciennes chroniques le nomment toujours la gentille et joyeuse passe d’armes d’Ashby.

Comme il était du devoir du prince Jean de nommer le chevalier qui s’était le mieux comporté, il décida que l’honneur de la journée appartenait au chevalier que la foule avait désigné sous le nom de Noir fainéant.

On fit observer au prince, pour le ramener sur sa décision, que la victoire avait été effectivement gagnée par le