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IVANHOÉ.

voisin, comme, nous aussi, nous voudrions les vaincre ? n’est-il pas l’ennemi mortel de Brian de Bois-Guilbert, que nous avons tant de raisons de craindre ? Et, lors même qu’il en serait autrement, est-ce à nous de faire preuve de moins de conscience qu’un mécréant de juif ?

— Non, cela serait honteux ! murmura un autre bandit ; et cependant, quand je servais dans la bande du brave vieux Gandelyn, nous n’avions pas de ces scrupules de conscience ; et je suis sûr que vous renverrez aussi sans endommagement cet insolent de paysan ?

— Non, si tu es capable de l’endommager toi-même, répliqua le capitaine. Ici, mon gars, continua-t-il en s’adressant à Gurth, sais-tu manier le gourdin, toi qui es si prompt à t’en servir ?

— Il me semble, reprit Gurth, que tu devrais pouvoir résoudre cette question.

— Par ma foi ! tu m’as donné là un coup un peu rude, reprit le capitaine. Donnes-en autant à ce drôle, et tu partiras intact ; mais, si tu succombes, puisque tu es un gaillard si résolu, je crois que c’est moi qui devrai payer ta rançon moi-même. Prends ton gourdin, meunier, ajouta-t-il, et gare à ta tête ! Et vous autres, lâchez cet homme ! donnez-lui un bâton ; il y a assez de lumière pour y voir.

Les deux champions, également armés d’un gourdin, s’avancèrent dans le milieu de la clairière, afin de profiter le plus possible du clair de lune. En attendant, les voleurs se mirent à rire et crièrent à leur camarade :

— Meunier, gare à ta caboche !

Le meunier, d’un côté, tenant son bâton par le milieu et le faisant tourner au-dessus de sa tête, en exécutant ce que les Français appellent le moulinet, s’écria d’un ton vantard :

— Approche donc, manant, si tu l’oses : tu vas connaître la force du poing d’un meunier.

— Si tu es meunier, répondit Gurth avec assurance, en faisant tourner aussi son arme au-dessus de sa tête avec