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IVANHOÉ

général, et il montrait de l’indifférence pour l’honneur de son pays ; mais ce discours avait été prononcé par Athelsthane, et il le respectait si profondément, qu’il ne voulut pas se permettre d’examiner de trop près les motifs de sa faiblesse. D’ailleurs, il n’eut pas le temps de faire d’autres réflexions, car Wamba lança son mot, faisant observer qu’il valait mieux, bien que ce ne fût pas beaucoup plus facile, être le meilleur homme entre cent que le meilleur entre deux.

Athelsthane prit cette observation pour un compliment sérieux ; mais Cédric, qui comprenait mieux la malice du bouffon, lui lança un regard sévère et menaçant ; et il fut heureux peut-être pour Wamba que le temps et le lieu l’empêchassent de recevoir, malgré son emploi et son service, des marques plus sensibles du ressentiment de son maître.

La suspension dans le tournoi se trouvait remplie par la voix des hérauts, qui s’écriaient : « Amour aux dames ! Brisez vos lances ! Montrez-vous, galants chevaliers, car de beaux yeux contemplent vos hauts faits ! »

La musique des chevaliers tenants faisait aussi entendre de grands éclats exprimant le triomphe et le défi, tandis que les manants semblaient regretter un jour de fête qui paraissait s’écouler sans divertissement. Parmi les seigneurs, de vieux chevaliers se plaignaient de la décadence de l’esprit guerrier ; ils citaient les triomphes de leur jeunesse ; mais ils reconnaissaient eux-mêmes que le pays ne fournissait plus de beautés aussi rayonnantes que celles qui avaient excité l’enthousiasme dans les joutes des temps passés.

Le prince Jean commençait de parler à sa suite des apprêts du banquet, et de la nécessité d’adjuger le prix à Brian de Bois-Guilbert, qui, avec une seule lance, avait renversé deux chevaliers et écarté un troisième.

La musique sarrasine des chevaliers tenants venait d’achever une de ces longues et bruyantes fanfares qui avaient