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J’étais fort avide de romans ; mais, à Villers-Cotterets, qui, en 1821, en était encore au xviiie siècle, je n’avais lu que les romans de Pigault-Lebrun, d’Anne Radcliffe et de madame Cottin.

Mathilde et Malek-Adel me paraissaient les dernières limites de l’art.

Je lui demandai ce qu’il lisait.

— Une fort belle chose, me répondit-il, dont on pourrait faire un magnifique grand opéra.

— Donnez-moi cela ; je le lirai à l’hôtel, et vous le rendrai avant mon départ.

— Lisez-le et gardez-le ; en supposant même que vous n’en fassiez rien, c’est une excellente étude pour vous.

Je pris le livre, et, le même soir, j’en essayai la lecture.

J’avoue à ma honte que, nourri de la lecture de Demoustier, de Parny, de Legouvé, de Florian, de Marmontel ; ignorant complètement les beautés de l’antiquité grecque et latine, le romancier écossais, avec son fou, son templier, son gardien de pourceaux, son Robin Hood et son ermite de Copmanhurst, me parut d’abord de difficile digestion. Ce dialogue franc et rude qui, au lieu de se servir des périphrases de l’abbé Delille, abordait franchement le mot propre, différait tellement de ce que j’avais lu jusque-là, que je fus tout près d’être — à l’endroit de Walter Scott — ce que Voltaire avait été, cent ans auparavant, à l’endroit de Shakspeare, et qu’en partant je déclarai à Adolphe qu’il aurait beau dire, je préférerais toujours Pigault-Lebrun à Walter Scott.

— N’importe ! me répondit-il avec son flegme habituel, emportez Ivanhoe et relisez-le.

Je suivis le conseil de de Leuven, j’emportai Ivanhoe et je le relus.