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ne soupçonne pas même toutes les richesses que renferment les volumes de cantates de la Bachgesellschaft !

Mais, il nous semble que le temps du Bach des cantates est venu, et que Bach, le musicien-poète, aura bientôt cessé d’être un inconnu admiré, le jour où il se trouvera des musiciens qui entreprendront de faire connaître ses cantates.

C’est là la grandeur et la faiblesse de la musique, d’avoir besoin d’interprètes. Un beau tableau ancien s’impose au public moderne par sa valeur même. La musique ancienne, par contre, lui restera étrangère aussi longtemps qu’elle ne lui est pas présentée d’une façon qui rappelle quelque peu la musique moderne. Le caractère de l’œuvre s’altérera nécessairement suivant l’esprit et les vues de celui qui aura entrepris de l’interpréter.

Mais qu’importent les divergences de l’interprétation actuelle ? L’avenir décidera de la justesse ou de la fausseté des principes dont nous essayons. Pour le moment, il n’importe que de faire connaître la grande musique de Bach. Nous ne saurions mieux terminer qu’en citant le joli propos que nous tenait M. Gevaërt, l’un des plus anciens protagonistes du Cantor de St  Thomas : « Il en est de la musique de Bach comme de l’Évangile : le public ne peut le connaître que secundum Matthaeum, secundum Marcum, secundum Lucam, secundum Johannem, évangiles qui diffèrent beaucoup, mais qui sont toujours l’Évangile. Une seule chose est nécessaire, indispensable : émouvoir les âmes sensibles et distinguées ! »