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Pour la partie musicale du culte protestant, Luther appela à son aide son ami Johann Walther, musicien de grand talent. Johann Walther — né en Thuringe en 1496, mort en 1570 — répondit à cet appel et vint, vers 1524, à Wittenberg, où il resta quelques semaines, collaborant avec Luther à l’organisation du chant protestant. Plus tard, après avoir été, dans l’intervalle, au service de l’Électeur Frédéric à Torgau, il fut nommé maître de chapelle à Dresde. C’est à lui que Luther doit son éducation musicale. À côté de Walther, il admirait surtout Ludwig Senfl, maître de chapelle à la cour de Vienne, plus tard Hofkapellmeister à la cour de Bavière, mort en 1550. Un jour qu’on exécutait un de ses motets chez Luther, celui-ci s’écria : « Jamais je ne pourrais composer chose pareille, mais s’il lui fallait faire une homélie à ma place, il serait bien embarassé à son tour[1]. » « Quelle chose admirable, » écrira encore Luther, en 1538, dans une lettre, qu’on est accoutumé d’intituler « Éloge de la musique », « que d’entendre trois ou quatre, ou même cinq voix différentes chanter autour de cette méchante et simplette mélodie — Ténor, ainsi que l’appellent les musiciens — comme en poussant des cris de joie ; elles lui font une merveilleuse parure de sonorités, elles exécutent en quelque sorte une ronde céleste, se rencontrant, se poursuivant, s’enlaçant avec grâce, si bien que quiconque s’entend un peu à cet art, est ému et ne peut s’empêcher de s’étonner vivement[2] ». N’est-ce pas là une conception pittoresque de la polyphonie ?

Voici donc les deux amis à l’œuvre. Walther est assis à

  1. Lutbers Tischreden. Ed. Irmischer. B. 62. « Eine solche Mottete vermöcht ich nicht zu machen, wenn ich mich auch zerreißen sollte, wie er dann auch wiederumb nicht einen Psalm predigen könnte als ich ».
  2. Luthers Lobrede auf die Musik 1538. « Es iſt sehr zu verwundern, daß einer eine schlechte Weise oder Tenor (wie es die Musici heißen) hersinget, neben welcher drei, vier oder fünf andere Stimmen auch gesungen werden, die um solche schlechte, einfältige Weise oder Tenor gleich als mit Jauchzen ringsherum spielen und springen und mit mancherlei Art und Klang dieselbige Weise wunderbarlich zieren und schmücken und gleichwie einen himmlischen Tanzreyen führen, freundlich einander begegnen, und sich gleich hertzen und lieblichen umbfangen, also daß diejenigen, so ein solches ein wenig verstehen und bewegt werden, sich deß heftig verwundern müssen ».