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Ie PARTIE

LA MUSIQUE SACRÉE EN ALLEMAGNE JUSQU’À BACH

I. Le choral dans l’œuvre de Bach

Il y a une différence fondamentale entre Bach et Händel. L’œuvre de Bach a pour base le choral, Händel, lui, n’en fait aucun usage. Chez l’un, l’invention libre est tout, chez l’autre, chez l’auteur des cantates et des Passions, elle jaillit du choral et s’efface derrière lui. Les plus belles et les plus profondes des œuvres de Bach, celles où s’exprime, sous forme musicale, le plus intime de sa pensée philosophique, sont des fantaisies pour orgue sur des mélodies de choral.

N’est-ce pas un fait curieux que Bach, génie créateur s’il en fut, donne pour base à son œuvre des mélodies toutes faites ? C’est qu’aussi bien les circonstances extérieures l’y contraignaient. Il était organiste et maître de chapelle. Comme tel, il composait pour le culte. Ses cantates et ses Passions sont destinées à trouver place dans la liturgie, et, certes, il ne s’avisait guère qu’un jour elles seraient données en dehors du culte. Écrivant pour l’église, il se trouvait obligé de rattacher ses œuvres au choral, principe unique de la musique sacrée du protestantisme. Händel était libre ; il n’écrivait pas des cantates, mais des oratorios pour concert spirituel.

De la nécessité jaillit la force. C’est au choral, précisément, que l’œuvre de Bach doit sa grandeur. Le choral le met non seulement en possession des trésors de la poésie