Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
objectivation de la volonté dans l’organisme animal

des conditions antérieures, mais parce que l’évaluation de l’action respective des motifs sur la volonté était erronée ; l’exécution fait alors défaut au projet : aussi avant qu’elle ait passé à l’acte, aucune résolution n’est-elle certaine.

La volonté elle-même ne manifeste donc véritablement son activité que dans l’exécution, c’est-à-dire dans l’action musculaire et par là dans l’irritabilité : c’est dans cette dernière que la volonté s’objective. L’encéphale est le lieu des motifs, par eux la volonté s’y transforme en faculté de choisir, c’est-à-dire qu’elle est déterminée de plus près par des motifs. Les motifs sont des représentations qui naissent à l’occasion d’excitations externes des organes des sens, par l’intermédiaire des fonctions encéphaliques, et qui se transforment en concepts puis en résolutions. Quand l’acte volontaire proprement dit va s’effectuer, ces motifs, dont l’encéphale est l’atelier, agissent, par l’intermédiaire du cervelet, sur la moelle épinière et les nerfs moteurs qui s’y ramifient ces nerfs à leur tour agissent sur les muscles, mais à titre seulement d’excitations. Car des excitations galvaniques, chimiques ou même mécaniques peuvent produire la même contraction qui est provoquée par les nerfs moteurs. Ce qui donc dans le cerveau était motif, agit comme pure excitation, après avoir passé par le canal des nerfs dans les muscles. La sensibilité en elle-même est tout à fait impuissante à contracter un muscle ; cette contraction ne peut être produite que parce muscle lui-même, et cette faculté contractile s’appelle l’irritabilité, c’est à-dire l’excitabilité. Elle est la propriété exclusive des muscles, comme la sensibilité est la propriété exclusive des nerfs. Ces derniers fournissent sans doute au muselé l’occasion de se contracter ; mais ce n’est pas lui qui provoque, d’une façon mécanique quelconque, la contraction elle-même : celle-ci émane uniquement de l’irritabilité, qui est la force propre du muscle. Saisie du dehors, cette force est une qualitas occulta ; la conscience de soi seule la révèle comme volonté. Dans cette courte chaîne causale, qui va de l’action du motif extérieur à la contraction du muscle, la volonté n’est pas un dernier anneau elle est le substratum métaphysique de l’irritabilité musculaire. Elle joue ici le même rôle que jouent dans une chaîne causale physique ou chimique les forces naturelles mystérieuses qui sont à la base de la combinaison : ces forces ne sont pas des anneaux compris dans la chaîne causale, elles ne font que conférer aux anneaux la faculté d’agir : c’est ce que j’ai établi au § 26 du 1er volume. Aussi attribuerions-nous la contraction musculaire à une telle force mystérieuse, si celle-ci ne se révélait à nous, sous forme de volonté, grâce à une source de connaissance sui generis, la conscience de soi. C’est pourquoi, comme nous l’avons dit plus haut, si nous partons de la volonté, notre propre mouve-