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LA MORALE DE FICHTE.

morale. » — ! — P. 402 : « Ce qui doit nous déterminer à être serviables, ce n’est pas une bonté d’âme irréfléchie, mais la pensée claire de ce but à atteindre : la Raison devenant autant que possible cause de tout. » D’ailleurs à travers tous ces traits de pédant, la grossièreté qui est le propre de Fichte en philosophie, perce, éclate aux yeux, comme on pouvait s’y attendre d’un homme qui a trop enseigné pour avoir eu le temps d’apprendre : d’un air grave, il pose la liberté d’indifférence et l’établit sur les arguments les plus vulgaires (pp. 160, 173, 205, 208, 237, 259, 261). — Quand un homme ne s’est pas encore bien persuadé que le motif, agissant il est vrai par l’intermédiaire de la connaissance qu’on en a, est toutefois une cause comme toutes les causes ; qu’ainsi il entraîne son effet nécessairement, comme toutes les causes ; qu’enfin les actions des hommes se succèdent toutes selon un déterminisme rigoureux ; cet homme est encore un philosophe mal dégrossi, et qui ne possède même pas les éléments. L’idée d’un enchaînement rigoureux des actions humaines, voilà la ligne de démarcation, qui sépare les têtes philosophiques d’avec le reste : et quand on le rapporte à ce critérium, Fichte laisse trop voir qu’il fait partie du reste. Il est bien vrai que suivant les traces de Kant (p. 303), il dit des choses en pleine contradiction avec le passage ci-dessus : cette contradiction, et tant d’autres qu’on trouve dans ses écrits, ne prouve qu’une chose : c’est qu’en homme pour qui la recherche de la vérité n’est pas une affaire sérieuse, il n’avait aucune croyance fondamentale solide ; et de quoi lui auraient-elles servi, pour ce qu’il se proposait ? Rien de plus risible, que de voir célébrer la sévère logique de cet homme, quand ce qu’on prend en lui pour de la logique, c’est simplement le ton d’un pédant qui démontre avec ampleur des trivialités.

Si l’on veut voir ce système de fatalisme moral, qui est celui de Fichte, développé de la manière la plus parfaite, il faut prendre son dernier écrit : la Doctrine de la science déterminée dans ses contours essentiels, Berlin, 1802 : cet écrit a l’avantage de n’avoir