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DU FONDEMENT DE LA MORALE DANS KANT.

ὅ⸒τι, cette chose bien connue de tous, en toute simplicité, on le fait entrer dans quelque formule artificielle, d’où on ne peut le tirer ensuite qu’en manière de conclusion résultant de prémisses données. Là-dessus le lecteur peut se figurer qu’il n’a pas affaire à la chose elle-même sans plus, mais qu’il a atteint le principe de cette chose. C’est ce qu’il est facile de vérifier pour les principes des éthiques les plus connues. Or, pour ma part, je n’ai pas dessein dans la suite de faire de pareils tours ; mon procédé sera loyal ; je n’essaierai pas de faire servir le principe de l’éthique en guise de fondement de l’éthique, mais bien plutôt de les séparer nettement. C’est pourquoi ce ὅ⸒τι, ce principe, cette proposition première, sur la teneur de laquelle au fond tous les moralistes sont d’accord, en dépit des formes si variées qu’ils lui imposent, je veux ici la ramener à une expression, la plus simple à mon sens et la plus pure : « Neminem læde, imo omnes, quantum potes, juva[1]. » Voilà, en réalité, le principe que tous les théoriciens des mœurs travaillent à fonder, voilà le résultat commun où aboutissent leurs déductions si diverses. C’est là le ὅ⸒τι, dont on cherche encore le διότι, la conséquence dont on cherche la raison, enfin la donnée première, à laquelle se rapporte la question, dans ce problème que se pose toute éthique, comme aussi dans celui qui nous est proposé. Résoudre ce problème, ce serait découvrir le fondement vrai de l’éthique, cette pierre philosophale qu’on cherche depuis des milliers d’années. Or cette donnée, ce ὅ⸒τι, ce principe, ne peut s’exprimer plus purement que par la formule ci-dessus : on le voit assez par ce fait qu’en face de tous les autres principes de morale, elle joue le rôle d’une conclusion devant ses prémisses : elle est donc le but où tend chacun, et tout autre principe n’est en réalité qu’une paraphrase,

    d’un banquet des Dieux ; signifiant par là que Dieu par pure richesse de cœur, a fécondé la matière, identique au néant, et ainsi a créé tout. (TR.)

  1. « Ne fais de mal à personne, aide plutôt chacun selon ton pouvoir. » (TR.)