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mot ne lui vient pas ; voyons si nous serons plus heureux, et précisons, dans ce but, l’état de la question.

L’être humain, en si parfaite unisson avec la nature cosmique, que pour ainsi dire il se confondait avec elle, était d’abord androgyne. Puis un moment arriva où, par le jeu des intentions cosmologiques, il se vit dédoublé. En cet état, il ne se nourrit ni ne respira plus, l’une de ses moitiés par l’autre, comme l’enfant qui est encore renfermé dans le sein de sa mère, mais ses deux corps eurent chacun une existence indépendante.

Entièrement heureux, parce qu’il était tout instinctif, tout inconscient, l’homme primordial trouva, semblable à l’enfant, les jouissances de sa vie dans le libre et insouciant emploi de ses quatre membres, et cette existence paradisiaque dura jusqu’à ce que, par suite de son dédoublement, s’éveillèrent en lui, sous la forme qu’elles ont conservée depuis, les passions sexuelles. C’est que, avec ces passions, naquit aussi, violent et presque irrésistible, le sentiment du moi, l’orgueil de la force individuelle, et soudain l’homme se sentit capable de faire par lui-même œuvre de démiurge, la force de produire, comme Elohim, un être à son image et à sa ressemblance. Moment psychologique fatal ! Cet état lui causa un trouble si profond que l’heureux équilibre de son être en fut à jamais rompu. Il put, il est vrai, satisfaire ses désirs, mais cette satisfaction le mit incontinent dans une situation dont l’avertit la voix railleuse de Jahwéh, c’est-à-dire la voix souveraine de sa conscience, le remords. Auparavant, sa conscience ne lui avait encore rien dit, parce qu’elle n’avait rien à lui dire ; mais dès qu’il eut, poussé par la chair, empiété volontairement, avec une intention