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du Malayala ou Malabar[1], de même que, tous les drâvidiens (ou touraniens, toutes les races mongoliques), pratiquent avec prédilection, voire avec un excès qui nous paraîtrait incroyable, si des observateurs comme Baily, Ward, Nelson, Graul, Cornish et bien d’autres, ne l’affirmaient. Dans le Madura, dit Nelson, il n’est pas rare de voir des femmes qui ont jusqu’à dix maris[2], et dans le Coimbatore, la femme est souvent à la fois l’épouse du père, du fils, des oncles et des cousins[3].

Mais la polyandrie n’est pas la seule preuve de l’indifférence familiale et sociale qu’éprouvent les Indiens. Il y a des actes qu’on ne sait comment nommer. Un fils pressé de se débarrasser de l’entretien de sa mère est capable, dit l’évéque Heber, de l’entraîner au suicide, et un mari n’hésite pas à brûler sa femme sur la pièce de terre qu’il convoite, « afin que la mort de la femme répande une malédiction ineffaçable sur le sol » que le propriétaire ne veut pas lui céder[4].

Ces sortes d’actions n’étonnent personne dans l’Inde, et ainsi, les liens du sang et de la famille n’unissant pas entre eux assez étroitement les membres de la société, « il était nécessaire de les réunir en de grandes corporations, dont tous les individus eussent un intérêt commun à se protéger, se soutenir et se défendre les uns les autres, et que les anneaux de cette chaîne fussent si fortement, si habilement serrés, que rien ne fût capable de la rompre[5]. »

L’explication, je le répète, ne manque pas de justesse, mais pour qu’elle fût complète, il faudrait, comme nous l’avons dit, tenir compte d’un des traits psychologiques fondamentaux des Indo-Germains, de leur esprit d’individualisme ou de particularisme. Si cet esprit n’a pas produit en Europe un effet aussi excessif que dans l’Inde, c’est que, toutes choses égales d’ailleurs, d’autres latitudes produisent d’autres effets. Ne pouvant pas, à cause déjà des exigences du climat, se tenir séparés et isolés comme les Indiens, les Germains se sont du moins particularisés en autant de sociétés et d’États qu’il leur a été possible. Je ne dirai rien des sociétés particulières et des corporations qui, après avoir été supprimées par la liberté donnée aux métiers et au commerce, tendent, sur divers points de l’Allemagne, à se reconstituer[6], mais je rappellerai l’exemple de la Bavière quant aux États. La Bavière, avant d’être érigée en royauté par la volonté d’un conquérant, unitaire et au-

  1. Suivant M. Vinson, Malabar viendrait du malayala malavâram, versant des montagnes. « (Ethnographie dravidienne, p. 145, t. I, 2e partie de la Revue orientale, 1868).
  2. Nelson, Madura Manual, p. 54.
  3. Ward ap. Cornish, Report, etc., I, 146. Indian Antiquary, Bombay, 1874, p. 32. Baily, Transact. Ethnolog. Soc. London, II, 68.
  4. Heber, Voyage à Calcutta, II, p. 53 ; éd. fr.
  5. Dubois, ouvr. c., p. 34.
  6. V. dans le Journal des Débats, du 24 janvier 1879, un extrait de l’Allgemeine Zeitung, d’Augsbourg, où l’on voit que les forgerons à Pforzheim, les menuisiers et les cordonniers à Fribourg, sont déjà revenus aux corporations fermées.