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ment, à cause précisément qu’elles-mêmes ne sont susceptibles d’aucun développement. En effet, sans la libre concurrence, il n’y a pas d’émulation, et sans l’émulation il ne peut y avoir de progrès. C’est ce dont à la fin le génie de l’Europe s’est aperçu, et pour nous donner l’air et la lumière qui nous manquaient, il a fait ouvrir à la civilisation portes et fenêtres par la Renaissance, par le libre examen et par la Révolution.

Mais les appréciations de Robertson sont bien près de rencontrer juste, quand il considère le régime des castes comme une création sociale, que la religion est ensuite venue confirmer et sanctionner[1]. Les Indiens, pense-t-il, conservent encore le souvenir d’un état antérieur à l’institution des castes, alors que tous les hommes étaient pour ainsi dire égaux les uns des autres, et il voit un indice de cette réminiscence dans le sans-façon avec lequel toutes les castes se mêlent à certaines fêtes religieuses, nommément à la fête de Jaggernaut, le grand rendez-vous national de l’Inde[2].

Je passe aux explications que donne du système des castes le fondateur de la science indienne ; j’ai nommé Colebrooke. Et non seulement Colebrooke a initié l’Europe à l’indianisme, mais il a de plus exploré cette science jusque à en atteindre presque les limites. L’aperçu substantiel qu’il a donné sur les castes se trouve sous le titre d’Enumeration of Indian classes, dans le cinquième volume des Asiatic Researches, publié à Londres, en 1799[3].

L’auteur constate d’abord que le système des castes, l’institution la plus remarquable que l’Inde possède, ne s’est pas maintenu dans toute son ancienne rigidité, puisqu’il s’est formé des castes mixtes et que ces classes, infinies dans la variété de leurs distinctions[4], ne sont pas identiques d’une province à l’autre. Par là, le sujet devient tellement compliqué qu’on ne peut espérer l’élucider entièrement dans toutes ses parties. D’autres aussi, nous l’avons vu déjà et le verrons encore, sont de cet avis. Je rappelle pour le moment cette parole de Jacquemont : « Qui voudrait chercher le parallélisme des castes dans les diverses parties de l’Inde s’y perdrait ; c’est un labyrinthe[5]. »

Se guidant sur divers documents qu’il cite, et parmi lesquels le Mânavadharmaçâstra est le plus important, Colebrooke dit la genèse des quatre castes typiques, et indique leurs occupations. « Lors de la première création de Brahmâ, les brâhmanes sortirent avec le Véda de la bouche du dieu : de ses bras s’élancèrent les Kshatriyas ; de ses cuisses

  1. Established by civil authority, but confirmed and sanctioned by religion. (Ouvr. c., p. 259).
  2. Ib. p. 341.
  3. Réimprimé dans Miscellaneous Essays, II, 177-190 ; London 1837.
  4. « The subdivisions of them have further multiplied distinctions to an endless variety. » (p. 187).
  5. Jacquemont, Voyages dans l’Inde, I. 282.