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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Chogi dangpoi sangye, qui n’a ni commencement ni fin ; aucun Bouddha humain n’est arrivé pour la première fois à la dignité de Bouddha, et le Sambhogakāya, ou corps de félicité suprême des Bouddhas, a existé de toute éternité et ne périra jamais. Le premier des Bouddhas est appelé dans les Tantras Vajradara (tib. Dordjechang ou Dordjedzin), et Vadjrasattva (tib. Dordjesempa[1]. Comme Vadjradhara il est qualifié « Bouddha suprême, suprême triomphateur, seigneur de tous les mystères[2], premier ministre de tous les Tathāgatas, l’être qui n’a ni commencement ni fin, l’être qui a l’âme d’un diamant (Vadjrasattva) ».

C’est à lui que les mauvais esprits soumis ou conquis jurent de ne plus entraver la propagation de la loi du Bouddha et de ne plus nuire à l’homme dans l’avenir. À Vadjrasattva sont données les épithètes de « intelligence suprême, souverain (Tsovo), président des cinq Dyani Bouddhas »[3]. Vadjradhara et Vadjrasattva sont aussi considérés comme deux êtres différents ; dans plusieurs traités ils paraissent en même temps, l’un posant les questions, l’autre y répondant. Leur position respective se définit mieux en supposant que Vadjradara est un dieu trop grand et trop plongé dans le divin repos pour prêter son assistance aux entreprises et aux travaux des hommes, et qu’il agit par l’intermédiaire du dieu Vadjrasattva, qui est à lui ce qu’est un Bouddha humain à un Dyani-Bouddha. Cette explication est appuyée par l’épithète de « Président des Dyani-Bouddhas. »

Par le nom de Dhyani Bouddha, « Bouddha de contemplation[4] », ou par l’expression Anoupadaka, « sans parents », on désigne des êtres célestes correspondant aux Bouddhas humains qui enseignent sur la terre et qu’on appelle « Mānoushi Bouddhas ». Les bouddhistes croient que chaque Bouddha qui enseigne la loi aux hommes se manifeste en même temps dans les trois mondes reconnus par leur système cosmographique. Dans le monde de désir, le plus

  1. Dordjechang et Dordjedzin ont la même signification, « tenant le diamant, Vadjra ». Sempa (sems-dpa) signifie « l’âme ».
  2. Sangbai Dagpo, « le Seigneur caché », en sanscrit Gouhyapati.
  3. Voyez Csoma, As. Res., vol. XX, pp. 496, 503, 549, 550 ; Journ. As. Soc. Beng., vol. II, p. 57. Wassiljew, Der Buddhismus, p. 205.
  4. Au sujet de la théorie des Dhyanis Bouddhas, voyez Schmidt, Grundlehren, Mémoire de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. I, p. 104 ; Burnouf, Introduction, pp. 116, 221, 525, 637, Lotus de la bonne Loi, p. 400. Les idées plus déistes des népalais sur leur origine ne sont pas connues des bouddhistes tibétains.