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LE BOUDDHISME AU TIBET

Tongpanyid, en sanscrit Soūnyatā) ; on l’appelle aussi Prajnā Paramitā (en tib. Pharchin et aussi Sherchin), « l’intelligence suprême qui atteint l’autre côté de la rivière »[1]. Il est évident que ce dogme n’est que l’élargissement et le développement de la loi principale du bouddhisme : « Tout est périssable et participe de l’instabilité, de la misère et de l’inanité. » L’idée de vide se rapporte à la fois aux objets simples et aussi à l’existence absolue en général. Par rapport aux objets simples l’expression « vide ou idéal » désigne ce que nous considérons dans chaque objet comme original, existant par soi-même et durable ; d’après cela, le Bouddha même n’est que le produit de la réflexion judicieuse et de la méditation. Par rapport à l’existence absolue, le vide est l’essence abstraite existant en tout sans lien causal et comprenant tout, quoique ne contenant rien.

Sākyamouni, dit-on, a lié ce dogme à cette considération qu’aucun objet existant n’ayant de nature, ngovonyid, il s’ensuit qu’il n’y a ni commencement ni fin, que de temps immémorial tout a été parfait repos zodmanas zhiba (rien ne s’est manifesté en aucune forme) et a été entièrement plongé dans Nirvāna. L’école mahāyāna démontre la doctrine du vide par le dogme des trois preuves caractéristiques et des deux vérités ; les trois preuves caractéristiques énumèrent les propriétés de tous les objets existants et les deux vérités montrent comment, par la parfaite intelligence de ces propriétés, on atteint l’entière compréhension. Les trois preuves caractéristiques sont : Parikalpita (tib. Kemtagi), Paratantra (tib. Zhanvang), et Parinishpanna (tib. Yong-Groub).

Parikalpita est la supposition ou l’erreur. Telle est la croyance en l’existence absolue à laquelle s’attachent les êtres incapables de comprendre que toute chose est vide ; de cette nature est aussi tout ce qui n’existe que dans l’idée seulement sans qualité spécifique, ou, en d’autres termes, tout ce que nos réflexions et méditations attribuent à un objet quelconque. L’erreur peut être double si quelqu’un croit à l’existence d’une chose qui n’est pas, comme par exemple le non-moi ; d’autres affirment l’existence réelle d’un objet qui n’existe qu’en idée, comme par exemple toutes les choses extérieures.

  1. Un intéressant traité sur le néant, intitulé le Vadjrāmanda Dhārani, contient un résumé des idées qui se lient à ce dogme. Il a été traduit par Burnouf dans son Introduction, p. 543. Sur les dogmes du système mahāyāna, voyez Wassiljew, l. c., pp. 128, 143, 319-24, 330.