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LE BOUDDHISME AU TIBET

leurs leurs naturelles ; ils portent sous leurs robes de pesants bâtons, dont parfois, au cours du drame, ils menacent les esprits malfaisants.

Le drame est précédé d’hymnes et de prières et d’une musique bruyante. Les acteurs sont ainsi groupés sur la scène : les Dragsheds occupent le centre, les hommes sont à leur droite, les démons à gauche. À courts intervalles les hommes et les démons exécutent des danses lentes sans se mêler. Enfin un démon et un homme s’avancent. Alors l’esprit du mal essaye, par un discours bien tourné, de pousser l’homme à pécher en violant quelque précepte de morale ou de religion ; d’autres démons s’approchent et aident leur camarade dans son discours. L’homme, d’abord ferme dans sa résistance à toutes leurs séductions, devient de plus en plus faible ; il est sur le point de succomber aux tentations de ses séducteurs quand surviennent d’autres hommes qui s’efforcent de le dissuader d’écouter les mauvaises suggestions. Il est vivement pressé par les deux partis et ce n’est qu’après de longues hésitations qu’il se rend aux exhortations de ses frères. Les hommes rendent grâces aux Dragsheds, à l’assistance desquels ils attribuent leur victoire (bien que les Dragsheds n’aient pris aucune part à l’action) et les supplient de punir les méchants esprits. Les Dragsheds ne sont que trop disposés à le faire : leur chef, qui se distingue des autres par un masque jaune de grandeur extrême, que les Lamas nomment Gonyan Serpo ou « la tête jaune empruntée », s’avance entouré d’une douzaine d’acolytes représentant les Dragsheds les plus puissants. Parmi ceux-ci se voyaient, à la représentation d’Himis, Lhamo (voyez page 71), avec un masque brun et de grandes queues de crins de yak, Tsangpa (c’est-à-dire Brahma, voyez page 72), revêtu d’une cuirasse. Plusieurs acteurs portaient des masques rouges à trois yeux ; on les appelait Lhachen « les dieux puissants » ; un autre groupe, avec des masques verts et de hauts bonnets coniques en étoffe de coton blanc sur lesquels trois yeux étaient dessinés, représentait « les fils des dieux[1] », Lhatoug.

Les autres Dragsheds accourent aussi de l’arrière-plan, lancent des flèches sur les démons, tirent des coups de mousquets, leur jettent des pierres et des javelots ; tandis que, en même temps, les hommes les accablent avec entrain de coups des butons cachés jusqu’à ce moment-là. Les démons s’enfuient,

  1. On donnera dans l’atlas accompagnant les Results of a scientific Mission des dessins de ces marques pris sur les originaux acquis par Hermann.