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LE BOUDDHISME AU TIBET

Sâkyamouni lui-même est mort pour avoir mangé du porc)[1] ; mais c’est un obstacle à la perfection, car l’homme doit considérer tous les êtres animés comme des frères et des parents et ne pas les tuer : il y a même un proverbe qui dit : « Manger de la chair, c’est manger ses parents »[2]. Les laïques mangent de toute espèce de chair ; suivant mon frère Robert, ils s’abstiennent de poisson, du moins à Spiti, quoiqu’ils ne puissent donner aucune raison à cette abstinence. Un grand nombre de règlements ont été institués pour empêcher les moines de se livrer sans retenue à leur appétit pour la chair ; à certains jours aucune nourriture animale n’est permise ; les prêtres doivent aussi s’en abstenir chaque fois qu’ils se confessent, ainsi qu’à certaines époques où s’accomplissent des cérémonies religieuses très sacrées.

La principale nourriture consiste en riz, froment ou orge, farine, lait et thé. Le riz est bouilli ou rôti ; la farine se mélange avec du lait et du thé, ou se pétrit en gâteaux sans levain et s’assaisonne avec du sel. Ces gâteaux ont le goût des pains azymes des juifs. Le thé se fait de deux manières, d’abord en infusion avec de l’eau chaude comme en Europe, et cette préparation est appelée Chachosh, « eau de thé »[3] ; secondement d’une façon très singulière que je décris en détail d’après une recette que mes frères se sont procurée à Leh :

Le thé (pain de thé cassé[4]) est mélangé avec environ la moitié de son volume de soude, en tibétain Phouli. La mixture est jetée dans une marmite remplie de la quantité nécessaire d’eau froide ; la proportion varie comme dans notre manière de faire le thé. Quand l’eau est près de bouillir on remue le mélange de feuilles de thé et de soude, en continuant pendant cinq ou six minutes après l’ébullition de l’eau. On retire alors la marmite du feu et on filtre le thé à travers un linge dans un cylindre rond en bois, de trois à quatre pouces de diamètre et de deux à trois pieds de haut ; les feuilles de thé n’ont plus de valeur et sont jetées. On agite vigoureusement le thé

  1. Hardy, Eastern Monachism, p. 92. D’après les biographies tibétaines, il est mort d’une maladie de l’épine dorsale. Schiefner, Tibet. Lebens, Mémoires des Savants étrangers, vol. VI, p. 292.
  2. Comparez Wassiljew, loc. cit., p. 134.
  3. Cette expression, comme les suivantes, Phouli et Gourgour ne se trouve pas dans les dictionnaires.
  4. La brique ou pain de thé est le nom commercial d’une espèce de thé particulière ; ce nom vient de sa ressemblance avec une brique. Sa forme et sa consistance s’obtiennent par la compression dans un moule.