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LE BOUDDHISME AU TIBET

une suite ininterrompue de renaissances, pour veiller à la propagation de la religion bouddhique et à la conservation de sa pureté[1] ; d’après cela ce serait Tsonkhapa lui-même qui aurait créé ces deux suprêmes dignités cléricales. Mais nous apprenons, par les tables chronologiques de Csoma, que Gedoun Groub (né en 1389 av. J.-C., mort en 1473) fut le premier qui prit le titre de Gyelva Rinpoche, « Sa Précieuse Majesté », qui ne s’applique qu’au seul Dalaï Lama ; Gedoun Groub serait donc le premier Dalaï Lama et non le Dharma Rinchen, le successeur de Tsonkhapa dans la chaire du monastère de Gáldan. En 1445, il construisit aussi le grand monastère de Tashilhounpo, dont les abbés prirent le nom de Panchen Rinpoche, « le grand Joyau maître » et revendiquèrent avec succès la nature divine et le pouvoir temporel qui, jusqu’alors, n’étaient l’apanage que du seul Dalaï Lama. Le Panchen Rinpoche partage l’autorité et la souveraineté du Dalaï Lama ; mais dans les affaires ecclésiastiques, même sur son propre territoire, sa parole est moins divine, sa force moins grande que celle du Dalaï Lama.

Le cinquième Gyelva Rinpoche, Ngavang Lobzang Gyamtso, homme très ambitieux, envoya une ambassade aux Mongols Koshots, établis dans les environs du lac Koukounor, pour demander leur aide contre le roi du Tibet, qui résidait alors à Digarchi, avec lequel il était en guerre. Les Mongols s’emparèrent du Tibet et en firent présent, dit-on, à Ngavang Lobzang. Cet événement arriva, en 1640, et c’est de ce moment que date l’extension du pouvoir temporel des Dalaï Lamas sur tout le Tibet[2].

Les Dalaï Lamas sont élus par le clergé, et jusqu’en 1792 ces élections se sont faites en dehors de l’influence du gouvernement chinois ; mais depuis lors la cour de Pékin, pour qui le Dalaï Lama est un personnage très important au point de vue politique aussi bien que religieux, a pris soin de ne laisser élire à cette haute dignité que les fils de personnages bien connus pour leur loyauté et leur fidélité[3].

  1. Arbeiten der Russischa Mission in Peking, vol. I, p. 316.
  2. Csoma, Grammaire, pages 192, 198 ; Ritter, Asien, vol. III, pp. 274-286 ; Koppen, Die Religion des Buddhas, vol. II, p. 129-152. Cunningham, Ladak, p. 389, a compris le récit de Csoma comme si le premier Dalaï Lama eût été établi en 1640 ; mais Csoma ne parle positivement que de l’union du gouvernement temporel et de la souveraineté ecclésiastique.
  3. Voyez, pour les détails, Huc, Souvenirs, vol. I, p. 292 ; Köppen, loc. cit., p. 247.