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bonnes gens dans la foule. » Et Marie de Gournay affirme que c’est son devoir de chrétienne et de patriote qui la pousse à défendre les Jésuites. En effet, ils sont utiles à la France par la prédication, la nourriture des enfants et la forte guerre spirituelle qu’ils font aux hérétiques. Sans parler des conquêtes si pénibles qu’ils accomplissent au Japon, aux frontières de la Chine, dans le pays de Goa et dans le Calicut, où ils ont arraché plusieurs millions d’âmes des griffes de Satan.

La mort de Henri IV a été pour Mademoiselle de Gournay un effondrement. Justement elle était arrivée à se faire apprécier par lui et elle fondait sur cette haute protection les plus légitimes espérances. « L’adieu de l’âme du roi à la reine » est tout plein de regrets généraux et particuliers. Elle y plaide la cause des Jésuites et de la vraie foi, mais, comme dans tous ses écrits, elle ne s’oublie pas. Avec de respectueuses réticences et de prudents détours, elle conseille à Marie de Médicis d’honorer ceux que le feu roi regardait avec bienveillance. Ne serait-ce pas en effet immortaliser Henri IV que de prolonger ainsi son influence et sa volonté par delà le tombeau ? Elle rappelle avec discrétion comment le roi l’a distinguée et quelle preuve de bon sens et d’indépendance il a donnée en l’appréciant en dépit de ces « fredaines de parleries » par lesquelles les diseurs de la cour cherchaient à lui nuire : « Soit que ma faute en fust cause, ou celle d’autruy, dit Marie, l’on m’avoit depeincte à luy de vieille et fraîche datte,