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augmenté de nombreux passages inédits. L’habitude qu’elle avait de la pensée de son maître lui servit pour adoucir certains termes, ménager certaines transitions. Enfin elle écrivit sous forme de préface une défense de Montaigne qui est tout ensemble l’apologie de l’auteur et celle de ceux qui l’ont compris. Marie de Gournay s’empara des Essais. Ils devinrent sa chose[1]. Elle les recommandait aux savants et aux libraires étrangers. Elle en surveillait les réimpressions. Elle corrigeait de sa main les fautes de l’imprimeur et ajoutait à l’errata imprimé un errata manuscrit témoin de ses scrupules et preuve de sa conscience. Pour elle, Montaigne restait vivant parce qu’elle le ressuscitait sans cesse. La traduction des citations innombrables qui émaillent le texte des Essais est son œuvre. Elle a pris, cela est évident aujourd’hui, des libertés qu’un éditeur moderne ne se permettrait pas. Mais ses retouches étaient dictées par sa piété filiale et n’avaient d’autre objet que de faciliter au public la lecture du livre de Montaigne. C’est dans la première des éditions des Essais publiées par Mademoiselle de Gournay[2] que paraît pour la première fois l’éloge que l’auteur fait de sa fille d’alliance à la

  1. En 1595, Mademoiselle de Gournay publia sa première édition des Essais, et l’édition remaniée de 1635 qu’elle a dédiée au cardinal de Richelieu est au moins la onzième à laquelle elle ait donné ses soins, sans compter les éditions de province et de l’étranger auxquelles elle n’a cessé de s’intéresser vivement, car elle avait à cœur sur toutes choses la renommée de son second père. Cf. Appendice E.
  2. L’édition de 1595.