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mis en rapport avec le point de départ de l’auteur. Ce point de départ, c’est le devoir individuel de manifester ses convictions religieuses et, par conséquent, le droit d’avoir des convictions de ce genre. Eh bien ! dit Vinet, l’union de l’Église avec l’État est une négation de ce droit et s’oppose à ce devoir, puisqu’elle implique que la société a une religion, ce qui, à son tour, implique que l’individu n’a pas le droit d’en avoir une.

Il est certain que les partisans de l’union n’ont pas toujours accepté la notion d’après laquelle l’État est une personne morale, douée d’une conscience individuelle, tenue, dès lors, d’avoir et de professer une croyance religieuse. Mais on peut se demander si la rigueur logique n’aboutit pas à cette proposition et si, par conséquent, Vinet n’a pas mis le doigt sur le cœur de la question. M. Gladstone ne l’a-t-il pas reconnu, lorsqu’il a pris pour fondement de son état chrétien le principe morne contre lequel Vinet a dirigé sa polémique ?

Quelque capitale que fût la question, la discussion de ce point n’était pas susceptible peut-être de longs développements, et l’auteur n’y a consacré qu’un chapitre. Peu de pages lui ont suffi pour montrer que la société, dans le système de l’union, affecte une religion ; que l’individu n’a plus de religion lorsqu’il reconnaît à la société le droit ou la faculté d’en avoir une ; enfin, que la société, comme société, ne peut avoir une religion. Cette dernière proposition ressort du côté subjectif et du côté objectif de la croyance, de la foi considérée comme un sentiment et de la religion considérée comme s’attachant à la vérité absolue.